15 novembre 2005

Les souvenirs d'Isidor Ducasse Acte 2 Scene VIII

Je gardais lors de mes vagabondages intérieurs deux splendides bocaux. Ils renfermaient mes compagnons d?infortunes. Je les avais vu se baigner dans des eaux troubles, plates et amers au gout. Elles (puisque c?était de splendides femelles) se sont légèrement débattues au début, mais leur vie de prisonnière, en fin de compte, ne leur a pas déplus. Elles sont restées sagement cloîtrer dans leur prison de verre.

Ces sangsues (en effet, devenues animaux domestiques, elles montrent un caractère amical, voire presque humain, si peu qu?on les prenne pour ce qu?elles sont, c?est à dire des êtres doués de succion, fidélité et d?une affectivité caractéristique de leur espèces) montrait tant d?ingéniosité que je ne pus m?en défaire pour des animaux plus communs. Chaques jours, je les nourrissais, comme il se doit, de tendres morceaux de viandes, d?araignées, de langues et d?autres abats.

Les jours de fêtes, je laissais même leur succion me prélever quelques centilitres de sang, utile à leur bonheur. Leurs morsures savaient se faire discrète et sans cicatrices. Dans leur passion, ces sangsues montraient tant de flammes et d?ardeur qu?un seule de leur baiser sanguinolent ne me suffisait pas.

Mais les calmes amours sont parfois éphémères, aussi devais-je me séparer de ces ponctionneuses attentives, pour quelques prostitués vampiriques aux ponctions plus attractives et néanmoins buccales. Je ne verrais plus leurs lèvres germinatives se coller aux vitres de leur aquarium, ces barreaux de leur prison.

Leur tendre morsure n?effleura plus ma peau, pour me soutirer quelques écumes globuleuses.

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