25 février 2008

Soyez polis - Jacques Prévert

I

Couronné d'étincelles
Un marchand de pierre à briquet
Elève la voix le soir
Dans les couloirs de la station Javel
Et ses grands écart de langage
Déplaisent à la plupart des gens
Mais la brûlure de son regard
Les rappelle à de bons sentiments
Soyez polis
Crie l'homme
Soyez polis avec les aliments
Soyez polis
Avec les éléments avec les éléphants
Soyez polis avec les femmes
Et avec les enfants
Soyez polis
Avec les gars du bâtiment
Soyez polis
Avec le monde vivant.

II

Il faut aussi être très poli avec la terre
Il faut les remercier le matin en se réveillant
Il faut les remercier pour la chaleur
Pour les arbres
Pour les fruits
Pour tout ce qui est bon à manger
Pour tout ce qui est beau à regarder
A toucher
Il faut les remercier
Il ne faut pas les embêter...
Les critiquer
Ils savent ce qu'ils ont à faire
Le soleil et la terre
Alors il faut les laisser faire
Ou bien ils sont capables de se fâcher
Et puis après
On est changé
En courge
En melon d'eau
Ou en pierre à briquet
Et on est bien avancé...
Le soleil est amoureux de la terre
Ça les regarde
C'est leur affaire
Et quand il y a des éclipses
Il n'est pas prudent ni discret de les regarder
Au travers de sales petits morceaux de verre fumé
Ils se disputent
C'est des histoires personnelles
Mieux vaut ne pas s'en mêler
Parce que
Si on s'en mêle on risque d'être changé
En pomme de terre gelée
Ou en fer à friser
Le Soleil aime la terre
La terre aime le soleil
Et elle tourne
Pour se faire admirer
Et le soleil la trouve belle
Et il brille sur elle
Et quand il est fatigué
Il va se coucher
Et la lune se lève
La lune c'est l'ancienne amoureuse du soleil
Mais elle a été jalouse
Et elle a été punie
Elle est devenue toute froide
Et elle sort seulement la nuit
Il faut ausi être très poli avec la lune
Ou sans ça elle peut vous rendre un peu fou
Et elle peut aussi
Si elle veut
Vous changer en bonhomme de neige
En réverbère
Ou en bougie
En somme pour résumer
Deux points ouvrez les guillemets :
" Il faut que tout le monde soit poli avec le monde ou alors
il y a des guerres ... des épidémies des tremblements
de terre des paquets de mer des coups de fusil ...
Et de grosses méchantes fourmis rouges qui viennent vous
dévorer les pieds pendant qu'on dort la nuit. "

Jacques Prévert, Histoires.

Vattaire 1998 - Petit matin

21 février 2008

L'état français et sa mémoire

Notre bon et grand Président Sarkosy veut que les enfants de CM2 portent la mémoire des 11 000 enfants déportés de France vers les camps de la mort.
J’espère qu’il a prévu de demander aux enseignants de bien expliquer que ces déportations massives ont été possibles grâce à l’aide de l’état français, de l’administration de la république française, de sa police et à de sa gendarmerie. Que ce sont des français qui ont brisé la vie de tout ces enfants, de toutes ces familles.
J'espéres ainsi qu'il en profitera pour insister sur les 16 et 17 juillet 1942, où 8 000 personnes juives dont plus de 4 000 enfants ont été séquestrées au vel d'hiv, par la police française. ***
Bien sûr il ne faudra pas oublier nos ancêtres qui ont, pour certains, dénoncé le voisin « juif » et pour beaucoup d’autres fermé les yeux.
Insister aussi sur le fait que la collaboration française à dépasser les demandes et les attentes de l’occupant allemand dans se domaine serait bon pour montrer que depuis toujours la France est un pays qui sait s’adapter et être compétitif !
J’espère qu’il le fera car ainsi les enseignants pourraient aussi parler de tout les juifs qui ont été sauver par d'autres citoyens qui eux ont dit "non". Montrer que dans des temps plus difficiles, au risque de leurs vies, des femmes et des hommes se sont levés et ont dit "non"! Montrer qu’il est parfois salutaire de combattre son propre pays quand il oublie les mots « liberté-égalité-fraternité ».


**A Comparer aux 28000 personnes prévues à l'expulsion pour cette année 2008.

11 février 2008

La lettre d'une enseignante face à la chaise vide de son élève


Après une information sur la situation de la famille, OQTF prononcée, plus de logement, plus d’école depuis 2 semaines pour Alexandre (3ème) et Gévorg (CP), Laure, la maîtresse de Gévorg à l’école Grangeneuve à crié sa colère, sa détresse et sa révolte :

Je suis la maîtresse de Gevorg, le fils de Karin et Armen, qui est arrivé en CP dans ma classe l’an dernier. Je suis la maîtresse de Gevorg qui a disparu de ma classe vendredi 16 novembre en laissant toutes ses affaires, même ce gros bâton de colle dont il est si fier.
Je suis la maîtresse de Gevorg et d’autres encore dans la même situation, qui voient sa chaise vide tous les jours et qui savent que leur tour peut arriver.

Je suis la maîtresse de 22 enfants de 6 ans qui apprennent qu’en France un enfant peut être obligé de s’enfuir de nuit avec sa famille parce qu’il n’est pas français.
Je suis une maîtresse qui doit enseigner à 22 enfants, qu’on est tous égaux, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, que les lois sont faites pour nous protéger, que c’est ce qu’on appelle les droits de l’homme dont on est si fier en France.
Je suis une maîtresse qui doit arriver à faire comprendre à 22 enfants que l’on doit résoudre les problèmes en s’expliquant, et que lorsqu’on est dans dans son droit on sera écouté et protégé… « parce que c’est ça la justice, hein maîtresse ? »

Je suis la maîtresse d’autres enfants sans papiers qui me regardent faire l’appel sans Gevorg et qui continuent à apprendre à lire dans la langue d’un pays qui ne veut pas d’eux.
Je suis une maîtresse parmi tant d’autres qui devraient tous les jours essayer d’expliquer l’inexplicable, accepter l’inacceptable, et ravaler cette rage et ce dégoût d’être la fonctionnaire d’un Etat qui mène une chasse à l’homme abjecte et dégradante.

Aujourd’hui je voudrais vous faire comprendre à quel point mes collègues et moi-même sommes choqués par ces drames humains, par cette politique de chiffres, de pourcentages et de quotas appliquée à des personnes, des hommes, des femmes et des enfants.

Je voudrais vous faire comprendre à quel point cette souffrance engendrée par cette politique, devient ingérable, insupportable pour nous, comme pour les enfants et les familles concernées. Je voudrais vous dire à quel point nous avons mal devant ces bureaux vides, ces cahiers abandonnés et ces stylos que personne ne vient réclamer.

Je voudrais vous dire à quel point j’ai peur d’arriver en classe et d’avoir perdu Gevorg ou Alexandre ou un autre encore, parce que, non, ce ne sont pas des numéros ou des quotas, mais parce que je les connais, je connais leurs sourires, je connais leurs yeux.

Nous n’en pouvons plus de nous taire et de voir des familles en danger rejetées en toute connaissance de cause ! Nous n’en pouvons plus de nous demander en permanence ce qui va leur arriver là bas !
Nous ne voulons plus être complices de non assistance à personne en danger.

Je voudrais vous faire partager cette réflexion de William Faulkner : « Le suprême degré de la sagesse est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue pendant qu’on les poursuit. » Alors merci à tous d’être là et de partager le rêve de Karin, Armen, Alexandre Gevorg et Grigory leurs enfants : vivre sereinement auprès de nous, venir chaque matin à l’école, et que ce rêve, avec eux et avec tous ceux qu’on veut chasser hors de notre pays, on ne le perde pas de vue.

08 février 2008

0576

La cité antique d'antenoree forge.

Plus ne pouvant le tyran supporter:

Le manchet fainct au temple couper gorge,

Les siens le peuple a mort viendra boucher.

Burn the Sun

Figure libre
et
Figure composée
d'un rêve rare,
la femme aux deux visages
s'est appropriée la graine.
Fertile et meuble, elle
se forme au lac mythique

Mystique

Figure libre
et
Figure composée
les vapeurs d'acide
s'effondrent dans ton cerveau
Restera-t-il demain assez
de temps pour nous
en sortir vivant ?

Figure libre
et
Figure composée
La fête a déjà sonné
son glas. Restera-t-il
demain assez d'amour pour en donner ?
Un siècle d'horizon
baveux, et tout
est à recommencer.