08 janvier 2001

Surcouf, un sang bleu au service de la Convention


Par Bertrand Galimard Flavigny
En 1812, le nom de Surcouf est synonyme de courage et d'aventure. L'Anglais est l'ennemi du Français, et les victoires sur mer, remportées avec audace par le corsaire, sont chaque fois racontées dans les gazettes. Il incarne l'honneur du pavillon français.
Le petit Malouin de 13 ans, que ses parents destinaient à la prêtrise, a fait un long chemin. Il est né en décembre 1773 d'un père armateur et d'une mère, fille d'un capitaine de la Royale. Mais il compte, parmi ses ascendants, plusieurs corsaires et même un roi d'Irlande. De quoi le tremper dans un sang d'acier. On rapporte qu'à 15 ans, il se porte volontaire pour le commerce avec les Indes. A 18 ans, il a déjà gagné son épaulette de lieutenant mais, face aux bouleversements provoqués par la Révolution, il préfère quitter la marine de guerre pour la course. La période n'y est pas favorable, car la Convention projette de l'interdire. Les équipages sont difficiles à recruter, les armateurs manquent et l'Etat ne finance plus la construction des bâtiments. Il se lance pourtant dans l'aventure avant même d'avoir pu obtenir une lettre de marque, ce qui lui vaut la confiscation de ses premières prises, que le Directoire lui restitue à titre de récompense.
Devenu capitaine corsaire à l'âge de 22 ans, il mène la chasse contre les navires de la Compagnie française des Indes dont son arrière-grand-père avait été cofondateur !Prenant comme base, l'île de France (la future île Maurice) ou l'île Bourbon (la future Réunion), Surcouf capturera, en quelques années, dans un triangle qui va de ces possessions françaises aux côtes de Sumatra en passant par le golfe du Bengale, 47 navires, en trois campagnes et cinquante mois de mer. Parmi ceux-ci, on compte un bâtiment anglais de la Compagnie des Indes, le Triton (1 000 tonneaux, 26 canons et 150 hommes d'équipage) capturé au large de l'Inde, le 29 janvier 1796. La prise est d'importance pour l'île de France, au bord de la famine, car le navire est chargé de riz et de maïs. Surcouf rentre à Port-Louis en sauveur, à bord de son navire, un brick baptisé l' Emilie , qui ne dispose alors que de 60 hommes. Il renouvelle l'exploit avec les 150 hommes de La Confiance (364 tonneaux, 18 petits canons) qui se lancent, le 7 octobre 1800, à l'abordage du Kent , un bâtiment qui jauge 1 200 tonneaux, est armé de 38 canons, et embarque 437 hommes d'équipage dont 150 fusiliers.

" Le capitaine Revington fut tué et le général St John fait prisonnier ; l'ennemi perdit en outre 80 hommes tués ou blessés, et nous n'en eà»mes que 14 hors de combat ", note-t-on à l'époque.

Avec un autre brick, le Clarisse , Surcouf capture un trois-mâts anglais, l' Auspicious dont la cargaison vaut plus d'un million de francs de l'époque... De quoi énerver l'Angleterre, qui offre 5 millions de francs pour sa capture.
Surcouf, fortune faite, est rentré à Saint-Malo en avril 1801, décidé à faire fructifier ses biens et devenir comme son père, armateur. La rupture du traité d'Amiens, en mai 1803, bouleverse ses plans. Napoléon lui offre le grade de capitaine de vaisseau et le commandement de deux frégates dans l'océan Indien. Le marin décline l'offre, suggérant au Premier Consul de se lancer dans la guerre de course. En 1807, après quelques revers, Surcouf décide de reprendre la mer et de regagner le terrain de ses anciens exploits dans l'océan Indien. Il a fait construire un trois-mâts barque de 20 canons, dont la coque est doublée et goujonnée en cuivre, Le Revenant , qui peut filer 12 noeuds (environ 22 km/h) ! Face à lui, les bâtiments anglais préfèrent se rendre plutôt que d'engager un combat incertain. Ces succès provoquent, semble-t-il, la jalousie du général Charles Decaen (1769-1832), alors gouverneur général des établissements français dans l'Inde. Il réquisitionne Le Revenant . Furieux, Surcouf rachète La Sémillante , une frégate que le gouverneur avait aussi fait réquisitionner sans pouvoir l'entretenir. Il la rebaptise Le Charles et rentre en France. Decaen fait saisir les biens du corsaire dans les îles (biens qui lui seront restitués, en 1810, sur décision de l'Empereur).
Les historiens s'accordent pour dire que cet incident, qui priva l'île de France de la présence du marin, permit aux Anglais de s'en emparer. Quant au Revenant , il est capturé par les Anglais en octobre 1808, mais repris par le capitaine de vaisseau Duperré, à bord du Bellone , deux ans plus tard. De retour en France, Surcouf est reçu par Napoléon, et on raconte que celui-ci l'a fait baron d'Empire. On ne trouve pourtant aucune trace de ce titre dans les armoriaux. Surcouf avait, en revanche, reçu la Légion d'honneur, dès 1804.Colonel de la garde nationale de Saint-Malo, en 1814, celui qui est devenu le plus important armateur du port s'éteint en 1827, âgé de 54 ans, auréolé de gloire.

" Il était de ceux qui appellent sur eux le regard des autres, qui dominent une foule, apaisent une révolte et forcent un succès ", écrira, un siècle plus tard, Garneray dans Voyages, aventures et combats . " Cet homme nommé Surcouf, ou Surcouf le Jeune, ou Robert Surcouf, ou même encore le gros Surcouf, si l'on veut, haut de cinq pieds six pouces, était vigoureusement charpenté, les yeux un peu fauves, petits et brillants, le visage couvert de taches de rousseur, le nez aplati ; ses lèvres minces s'agitaient sans repos. [...] C'était un compagnon d'humeur joyeuse, brusque et diseur de grosses vérités, enfin ce que les matelots appellent un bon b... " Il était aussi un homme d'honneur, même les Anglais le reconnaissaient.

L'âme de Surcouf passe encore par-dessus les remparts de Saint-Malo, lorsque croise au large, la réplique, achevée en 1991, de son bateau le plus célèbre, Le Renard lancé en 1812.
Brest hisse aussi les voiles

07 janvier 2001

Barbe-Noire, le forban de la reine Ann

Ils ont forgé la légende de la flibuste

Par Bertrand Galimard Flavigny

Si le jeune marin Edward Drummond avait obtenu l'avancement qu'il espérait dans la marine anglaise au service de la reine Ann, serait-il devenu pirate sous le pseudonyme d'Edward Teach, dit Barbe-Noire ?
Il ne fut pas le seul pirate à écumer les Caraïbes, mais lui, on s'en souvient. On sait que vers l'âge de 20 ans - il est né en 1680 -, il embarque sur un bâtiment corsaire au service de la reine Ann (1665-1714), durant la guerre de Succession d'Espagne. Il s'y fait remarquer par sa témérité et les bâtiments des rois de France auront à se plaindre de ses abordages. Sans doute Teach n'est-il pas suffisamment bien né pour recevoir un commandement. Dépité, il se détourne du droit chemin de la mer et propose, en 1716, ses services au capitaine pirate Hornigold. Celui-ci met à l'épreuve le jeune marin et commence par lui donner le commandement d'un sloop qu'il a pris.
Aux côtés d'Hornigold, l'apprentissage du pirate dure deux ans, jusqu'au jour où il aborde un gros navire marchand français de 40 canons, le Concorde . La prise est d'importance, d'autant plus qu'Hornigold lui en confie le commandement. Nous sommes alors en 1716, la reine Ann, la dernière des Stuart, disparue depuis deux ans, a réuni à la couronne d'Angleterre celle d'Ecosse et ajouté Gibraltar à ses conquêtes. Teach voue davantage de rancune à ses chefs qu'à sa reine. Comme c'est alors l'usage, le nouveau « pacha » rebaptise son navire et lui donne le nom de Queen Ann's Revenge .Fort de cette nouvelle position, le capitaine pirate prend son indépendance et se met à son compte. Maître d'une flotte de quatre bâtiments pouvant embarquer 300 hommes, il commence à écumer les mers et ravager les côtes de Virginie et de Caroline. En un an, il arraisonne plus de 40 navires et le gouverneur Spotswood met sa tête à prix. C'est le commencement de la gloire. Le lieutenant Robert Maynard, commandant du bâtiment de guerre Pearl , est désigné pour capturer Barbe-Noire. Il repère très vite le pirate qui mouille dans la baie de l'île d'Ocracoke, au large de la Caroline du Nord, une petite île quasiment vierge, peuplée de tortues. Sûr de sa force, Barbe-Noire feint de ne pas voir le détachement de la Royal Navy et ne prend donc aucune disposition particulière.
Le 22 novembre 1718, au petit matin, Maynard lance son bâtiment contre celui de Barbe-Noire. On imagine les cris, les coups de feu des pistolets, les hurlements, les cliquetis des armes blanches, les râles des blessés. Soudain, Maynard se trouve face à Barbe-Noire. Chacun est armé d'un sabre et d'un pistolet. Ils se tirent dessus, comme dans un duel. Le pirate est touché, mais se précipite pourtant contre son adversaire. Le lieutenant, la lame de son sabre brisée, est en fâcheuse posture. Barbe-Noire est sur le point de le transpercer, lorsqu'un matelot lui assène un coup de poignard à la nuque. Surmontant sa douleur, inondé de sang, Barbe-Noire continue à se battre, mais un autre matelot se mêle au combat et le blesse à nouveau.
Finalement, Maynard le touche mortellement d'un coup de pistolet. Barbe-Noire a été atteint vingt-cinq fois dont cinq fois par balle. Maynard fait trancher la tête du pirate et l'expose au sommet du mât. Il pense ainsi lancer un avertissement à tous les pirates qui écument les Caraïbes. En fait, par ce geste, il vient de créer une légende.
Nombreux sont ceux qui refusent de croire en la mort de Barbe-Noire. Combien d'actes de piraterie lui seront attribués longtemps après ? Les récits les plus rocambolesques entourent ce personnage que l'on dit avoir épousé quatorze femmes. Des témoins dignes de foi racontent qu'il montait au combat la barbe tressée d'une dizaine de nattes attachées par des rubans rouges... sang. Il accrochait aussi deux brandons enflammés à son chapeau qui encadraient son visage, ce qui le faisait apparaître dans un halo de feu. Barbe-Noire se voulait terrifiant. Il y réussit. On rapporte encore qu'il jouait à tirer sur ses marins :
« Si je n'en tuais pas un de temps en temps, ils finiraient par
ne plus savoir qui je suis », disait-il.
Qui dit pirate, dit trésor. Barbe-Noire aurait caché le fruit de ses pillages sur toutes les plages désertes de la côte. Comme dans les romans et films du genre, Barbe-Noire déposait un coffre dans une barque, avec l'aide de deux matelots, puis regagnait seul son navire : « Ils montent la garde ! » affirmait-il. Nous savons ce que cela signifiait. Il disait encore : « Seuls le diable et moi savons l'emplacement de mon trésor. Et le diable aura le tout ! » Il semble que le diable, en effet, eut tout, car Edward Teach ne profita guère de ses richesses. Son escapade ne dura qu'une année. L'homme, à sa mort, n'avait pas 40 ans.Les découvreurs d'épaves se sont naturellement mis à la recherche du Queen Ann's Revenge , espérant y découvrir si ce n'est un trésor, du moins des indices. L'un d'entre eux, un certain Phils Masters, a trouvé dans une bibliothèque, les mémoires d'un des compagnons de Barbe-Noire, capturé en octobre 1718, qui indiquait que le navire avait fait naufrage dans la baie de Beaufort. L'Etat de Caroline du Nord participa aux fouilles et remonta 3 ancres d'une forme particulière et 18 canons de facture différente, qui pourraient provenir de plusieurs navires pillés. Le Queen Ann's Revenge était armé de 40 pièces et il était le seul de la région à en posséder. Quant au trésor, c'est bien le diable si on le découvre un jour !

06 janvier 2001

Histoire et vie des flibustiers, pirates et corsaires de la Jamaique et de St-Domingue

Les Frères de la Côte

Qu'est-ce qu'un flibustier? Est-ce seulement un pirate? Un corsaire? Ou les deux à  la fois? Trois cents ans après la fin de l'âge d'or des flibustiers, cette question n'est pas si anodine qu'elle y paraît. Durant cet intervalle, ces mots ont changé de signification. Pour cause, depuis l'abolition officielle de la qualité de corsaire vers le milieu du XIXe siècle, toute personne vivant du pillage en mer est un hors-la-loi. Auparavant, selon les époques et les pays, il existait nombre de qualificatifs désignant le métier de pirate, chacun ayant ses nuances propres. Aujourd'hui ils sont tous devenus synonymes de pirate, lui-même le hors-la-loi des mers par excellence, ce qu'ils n'ont pas toujours été.

Par Raynald Laprise

D'abord le mot pirate. D'origine grecque, il garde, du moins en français et ce jusqu'au début du XVIIIe siècle, son sens premier: «celui qui tente la fortune sur mer»; sens englobant tous les côtés positif et négatif de cette définition, sans toutefois que l'un ne l'emporte sur l'autre. L'aspect négatif du métier est représenté par les termes de voleur et brigand que lui appliquent ses victimes; aussi par celui de hors-la-loi que leur donne soit l'état auquel il appartient mais qu'il aura renié ou celui dont les possessions et ressortissants subissent les activités. En français, l'on qualifie, dans ce cas, le pirate de «forban», mot signifiant littéralement «hors du banc», c'est-à -dire hors la loi.

A l'opposé du forban, le corsaire, lui, est un pirate patenté, dûment autorisé par un état ou un prince souverain à  exercer son métier. L'autorisation en question prend la forme d'un document légal généralement nommé commission, qui seul peut conférer la qualité de corsaire.
Les Anglais nomment les leurs «privateers», que l'on traduit invariablement en français par «armateurs». En effet, le «privateer» est le particulier, la personne privée, qui arme, commande ou monte un navire destiné à  faire la guerre sur mer aux ennemis de l'état et aussi... aux forbans.
Quant au mot flibustier, il apparaît en français pour la première fois dans les années 1630 sous la forme «fribustier», du contact des aventuriers français avec les corsaires hollandais et zélandais alors nombreux à  écumer la mer des Caraà¯bes. En effet, Il tire son origine du néerlandais «vrijbuiter»: «libre faiseur de butin». Paradoxalement ce mot néerlandais, tout comme son équivalent anglais «freebooter», ne s'applique pas exclusivement au domaine maritime. Dans son English Dictionary, paru en 1676, Coles définit ainsi le «freebooter»: soldat qui fait des incursions en pays ennemi pour prendre du bétail, etc. ou qui sert (pour le pillage) sans salaire.
Dans cette définition se retrouve le profil même des bandes armées privées qui sévirent dans les guerre européennes, louant leur services aux divers belligérants, à  partir de la fin du Moyen à‚ge et qui connaîtront, au XVIIe siècle, durant la guerre de Trente ans, une sinistre renommée. Toutefois, flibustier et freebooter ne seront pas synonymes. Appliqué au monde de la mer, l'anglais freebooter équivaudra au «pirate» anglais et au forban français. Quant à  son dérivé français - flibustier-, il décrira plutôt une sorte de condottiere de la Méditerranée américaine, dont les caractéristiques sont les suivantes:
    • Il est le pirate, très souvent corsaire, écumant les mers en Amérique où sont ses bases, mais aussi le soldat qui tente la fortune à  terre par l'attaque des bourgs, villages et villes ennemis.
    • Ses proies comme ses ennemis sont, presque toujours, sinon principalement, espagnols.
    • Il fournit ses propres armes pour faire la guerre et très souvent son propre bâtiment. A ce titre, il est un entrepreneur de guerre.
    • Enfin, il ne vit que sur le butin qu'il fait, ce que résume bien l'expression anglaise alors en usage: «no purchase no pay», substitué parfois, avec plus de justesse, par «no prey no pay».

Mais la meilleure définition revient encore au sieur de Pouancey qui les connaissait fort bien pour avoir été en expédition avec eux et qui écrivait en 1677:

Il y a encore ici plus d'un millier de ces hommes qu'on appelle flibustiers... Ils ne vont en descentes sur les Espagnols et en courses que pour avoir de quoi venir boire et manger au Petit-Goâve et à  la Tortue, et n'en partent jamais tant qu'il y a du vin ou qu'ils ont de l'argent ou des marchandises ou crédit pour en avoir. Après quoi ils font choix du capitaine ou bâtiment qui leur convient le mieux, sans en épouser aucun, car ils n'embarquent que pour huit jours de vivres ordinairement. Ils quittent partout où il leur plaît; ils obéissent très mal en ce qui concerne le service du vaisseau, s'estimant tous chefs, mais très bien dans une entreprise et exécution contre l'ennemi. Chacun a ses armes, sa poudre et ses balles. Leurs vaisseaux sont ordinairement de peu de force et mal équipés et ils n'ont proprement que ceux qu'ils prennent sur les Espagnols.

Les origines du flibustier remontent aux premiers voyages entrepris vers l'Amérique occupée par les Espagnols par les Français et les Anglais. Ces voyages, qu'ils eussent pour but la contrebande ou le pillage, étaient qualifiés de voyage à  la grosse aventure, aventure étant ici pris dans le sens de risque encouru par les armateurs, donc un voyage très hasardeux et risqué. D'où, par extension, le nom d'aventuriers que l'on applique parfois aux flibustiers. De là  aussi un assouplissement forcé des règles régissant le voyage en mer qui va donner naissance à  la grande apparence de liberté qui caractérise le métier de flibustier.
Avec le temps, le nombre de corsaires et de contrebandiers étrangers sillonnant les voies maritimes de l'Amérique espagnole alla en augmentant. Des liens d'amitié se nouèrent avec certaines populations, notamment avec des tribus indiennes hostiles à  l'Espagnol mais aussi avec des sujets rebelles de l'Espagne, qu'ils fussent Indiens, noirs, mulâtres, métis, voire Espagnols.
De plus, comme l'Espagne ne pouvait contrôler ni occuper la moindre des côtes et des îles de la mer des Caraà¯bes, les navires étrangers en vinrent à  privilégier certaines escales plutôt que d'autres pour leurs ravitaillements, par exemple les petites Antilles et des endroits comme l'île à  Vaches, à  la côte sud-est d'Hispaniola. Ces escales devinrent bientôt très fréquentées, sinon obligées. En arrivant à  l'une d'elles, une partie de l'équipage d'un navire (ainsi que ses soldats s'il s'agissait d'un corsaire) pouvait facilement, si elle jugeait que le voyage ne leur profitait pas, se dégrader volontairement à  terre pour attendre le passage d'un autre vaisseau sur lequel ces hommes pourraient mieux trouver leur compte ou retourner simplement en Europe plus rapidement.
Ces marins et soldats s'estimaient alors dégagés du contrat initial les liens à  l'armateur. Dès le début du XVIIe siècle, cette pratique se répand. A la fin des années 1620, l'établissement de colonies permanentes par les Anglais et les Français sur les petites Antilles sera donc surtout l'oeuvre de corsaires et de contrebandiers, tel Pierre Belain d'Esnambouc, qui les connaissent fort bien. Mais le principal désavantage de ces nouvelles colonies résident dans le fait qu'elles sont complètement en dehors des voies maritimes du commerce espagnol. En fait, ces îles ne sont que la porte d'entrée de la mer des Caraà¯bes, tant pour les Espagnols que pour les corsaires qui les chassent. Or ceux-ci ne fréquenteront donc qu'à  l'aller les petites Antilles préférant ensuite relâcher en Europe, le voyage de retour vers les celles-ci étant, à  cause du régime des vents, presque plus long.
L'autre désavantage des petites Antilles comme escale corsaire est constituée par sa pauvreté en ravitaillement notamment en vivres. Il n'y a pas là  de gros gibiers, source de viande, denrée indispensable du voyage en mer. En revanche, les grandes îles, sous contrôle espagnol, en sont pourvues abondamment: les boeufs, chevaux et porcs, importés par les Espagnols qui sont retournés à  l'état sauvage dès le XVIe siècle et se sont depuis multipliés. Là  s'est développé une petite industrie de chasse qui attirent des esclaves fugitifs, quelques Indiens, des mulâtres surtout et parfois même des Espagnols. Ces hommes, souvent en rupture de ban, chassent principalement le boeuf sauvage pour son cuir d'une grande valeur commerciale et le porc pour sa viande.
De l'un et l'autre, ils ont pris l'habitude de ravitailler les corsaires et contrebandiers anglais, français et néerlandais qui font escale aux côtes de l'île Hispaniola. Au fil des années, ces chasseurs sujets de l'Empire espagnol vont être graduellement remplacé par des Français, des Anglais et des Néerlandais sur ce que l'on appellera, en français, la côte de Saint-Domingue, qui correspond à  la partie occidentale d'Hispaniola que les Espagnols ont complètement abandonnée dès le début du XVIIe siècle pour justement tenter de réduire le commerce illicite pratiqué par ses habitants avec les étrangers.
Les boucaniers

Les nouveaux chasseurs apparaissent dans les années 1630. Ils diffèrent de leurs prédécesseurs et bientôt concurrents par leur technique de chasse. Alors que les premiers utilisaient la lance en forme de croissant pour tuer les boeufs, les nouveaux venus privilégient le fusil de chasse de très gros calibre. Très tôt, en français, on leur donne ou ils adoptent eux-mêmes un nom particulier: boucaniers, du nom du boucan mot indien désignant le lieu où l'on fume la viande. Leur adresse au tir va les faire grandement apprécier des corsaires. D'ailleurs, certains boucaniers ne sont-ils pas eux-mêmes d'anciens corsaires. Même s'il est faux de croire que tous les boucaniers furent des flibustiers ou l'inverse, leur implication, dans la flibuste, les rend incontournables (pour une description détaillée de leur mode de vie, voir une lettre de Deschamps du Rausset de 1663 ainsi que les extraits des livres de Dampier, Dutertre et Exquemelin). Comme les flibustiers, ils sont souvent décrits comme turbulents, indisciplinés et réfractaires à  toute forme d'autorité. Mais ils ne sont pas pour autant coupés du reste du monde.
Le temps passant, certains boucaniers auront leurs propres correspondants, un associé ou un parent, dans les ports de France, de Hollande ou de Zélande. Quelques uns deviennent même de véritables entrepreneurs de chasse. C'est le cas d'un certain Minedorge que l'on retrouve, en 1664, à  Dieppe pour vendre ses cuirs et qui, dix ans plus tard, y revient pour recruter des chasseurs. Leur métier demeure néanmoins l'un des plus durs qui puissent s'exercer en Amérique. La chasse au boeuf sauvage n'est pas de celle qui se pratique en solitaire.
Les boucaniers s'associent parfois en groupe de 10 à  30 hommes, incluant les maîtres chasseurs et leurs engagés (car à  l'exemple des colons ils viennent à  posséder aussi des serviteurs), toujours accompagnés d'une meute de chiens. A Hispaniola, sur la côte de Saint-Domingue, leur nombre atteindra son maximum au début des années 1665, de 700 à  800 chasseurs. Les boucaniers sont alors majoritairement français et quelques uns d'entre eux on déjà  commencer à  jeter des bases de colonisation le long de la côte de Saint-Domingue, en fondant de petites habitations aux vieilles escales corsaires que sont Léogane et le Petit-Goâve où ils commencent à  cultiver du tabac. Mais les boucaniers iront en diminuant au fil des ans, suite à  la raréfaction du bétail sauvage, presque exterminé par la chasse intensive pratiquée tant par les boucaniers eux-mêmes que par leurs homologues espagnols: une trentaine d'années plus tard, le métier aura pratiquement disparu.
Le nom de boucanier prendra, surtout en anglais («buccaneer»), un connotation tellement péjorative qu'il en viendra à  désigner aussi le pirate. Dans les années suivant la conquête de la Jamaà¯que, les Anglais font pourtant appel à  ces chasseurs pour les aider à  vaincre les derniers foyers de résistance espagnole dans l'île; ceux-ci prendront ensuite part aux premiers armements flibustiers de la jeune colonie. Mais les boucaniers de Saint-Domingue n'ont pas besoin des Anglais pour s'engager dans la flibuste qu'il pratique déjà , à  bord parfois de simples canots, en volant des bâtiments marchands venus traiter à  la Côte ou en pillant, évidemment, les Espagnols qui s'y risquent.
Dans la décennie 1660, le nombre d'anciens boucaniers composant les équipages des flibustiers sera assez important pour que même en français le nom tende à  devenir synonyme de flibustiers. Mais, comme il est mentionné ci-dessus, les boucaniers ne sont pas impliqués seulement dans l'armement des corsaires et pirates. Il le sont aussi dans la colonisation de la côte Saint-Domingue peut-être plus encore car le nom est souvent appliqué aux habitants de cette colonie. Même plus, à  la côte Saint-Domingue, les intérêts des habitants, des boucaniers et des flibustiers sont tellement liés qu'un très fort esprit de corps se développe et qui donnera naissance à  l'expression «Frères de la Côte».
Les effectifs de la flibuste

En tout, durant la période comprise entre le traité de Westphalie (1648) et le début de la guerre de la ligue d'Augsbourg (1689), environ 1500 hommes au minimum exercent chaque année, en Amérique, le métier de piller sur mer et sur terre les Espagnols. Pour la plupart, ils fréquentent, de préférence, soit la colonie anglaise de la Jamaà¯que (à  partir de 1655) soit sa rivale française de l'île de la Tortue et côte de Saint-Domingue (dès 1648), toutes deux situées au centre des principales voies maritimes de la mer des Caraà¯bes. Ils y ont souvent d'ailleurs acquis des intérêts ou des obligations, qui, outre les avantages que ces lieux de relâche leur offrent, les obligent à  y revenir, car le pirate qui erre sur les mers, sans attache, se condamne lui-même à  la mort.
Plusieurs flibustiers évidemment sont marins de profession, ayant précédemment servi tant à  la course qu'au commerce, parfois même à  la guerre sur un navire du roi. Ce sera le cas, entre autres, de William Dampier. Quelqu'uns, surtout chez les Anglais car ils sont plus nombreux dans ces mers, sont des déserteurs qui profitent de l'escale à  Port Royal, la Tortue ou à  Saint-Domingue pour passer à  la flibuste. Parmi eux vont se recruter les spécialistes de la navigation et de la manoeuvre du vaisseau. Certains ont exercé par le passé des métiers essentiels pour un voyage en mer en général: ceux de charpentier et de chirurgien, l'un prenant soin du navire et l'autre de l'équipage. Mais une très grande proportion de flibustiers n'entrent pas dans ces catégories. Ces hommes, sans expérience préalable de la mer, sont venus en Amérique soit volontairement pour y chercher fortune et aventures soit par obligation pour fuir la potence, des créanciers, la persécution religieuse, etc. Une minorité, ceux qui possèdent assez d'argent, a pu monter une habitation et s'établir dès le début comme planteurs avant d'être contraints, par diverses raisons, de se joindre aux flibustiers.
Pour le reste, la seule solution possible de faire le voyage vers l'autre côté de l'Atlantique consiste à  se vendre littéralement pour servir pendant trois ans un habitant ou un boucanier aux Antilles, d'où le nom de «trente-six mois» qu'on leur donne parfois en français par dérision. Ils sont appelés généralement «engagés», les Anglais nommant les leurs «indentured servants». La condition de ces engagés est aussi peu enviable que celle d'un esclave :
les témoignages d'Exquemelin et de Ravenau qui commencèrent comme engagés leurs aventures en Amérique le prouvent. Elle a si mauvaise réputation que certains, à  l'exemple de Dampier, préfèrent payer leur passage en Amérique par divers services qu'ils rendent au capitaine du navire qui les y porte plutôt que d'essayer ce genre de vie. Alors beaucoup d'engagés, à  l'expiration de leur contrat ou même avant en s'enfuyant de chez leur maître, viennent grossir les rangs des flibustiers. S'ils ne connaissent pas les choses de la mer, ces anciens boucaniers, habitants et engagés en apprennent les rudiments sur le tas.
En effet la vieille distinction, souvent rivalité, entre marins et soldats qui prévalait à  bord des corsaires armés en Europe avant la formation de colonies non-espagnoles dans les Antilles n'existe plus chez les flibustiers où tous sont égaux en principe. Il en va autrement des différences nationales. Dans les équipages relevant de la Jamaà¯que, l'élément anglais domine. Même constat, à  partir de 1672, pour certains flibustiers ayant pour port d'attache l'île de la Tortue puis le Petit-Goâve, à  la côte Saint-Domingue. Mais cette prépondérance anglaise est difficile à  chiffrer. Une liste incomplète évalue les flibustiers fréquentant la Jamaà¯que, à  la fin de 1663, à  environ 1200, dont les deux tiers sont Anglais et le tiers restant Français. De même lors de l'expédition de Panama (1670), les équipages français représentent aussi environ un tiers des effectifs de l'amiral jamaà¯quain Morgan. Cette proportion deux tiers un tiers se retrouve parfois aussi à  l'échelle du bâtiment.
Ainsi en 1678, l'équipage du corsaire Lemoign est composé au deux tiers par des Anglais, venant pour la plupart de la Nouvelle-Angleterre. Mais il demeure impossible, sinon difficile, d'en tirer une règle. Durant la guerre de Hollande (1672-1679), la tendance semble quelque peu inversée, probablement à  cause du fait que les grands armements sont principalement français. En février 1678, sur réquisition du comte d'Estrées en prévision de l'expédition de Curaçao, le gouverneur de Saint-Domingue lève 1200 flibustiers, boucaniers et habitants relevant de sa colonie. De ce nombre environ 200 seront identifiés comme sujets britanniques par le gouverneur général des Leeward Islands. Parmi ces Anglais, il y a, au début de l'occupation anglaise de la Jamaà¯que, beaucoup d'anciens soldats de l'armée de Venables. L'on retrouve la trace de l'un de ses hommes dans le livre de Dampier, un certain John Swan qui avait combattu en Irlande sous les ordres de Cromwell et qui mourut en 1686 en combattant les Espagnols en mer du Sud à  84 ans, longévité presque exceptionnelle pour l'époque.
Les colonies anglaises plus vieilles que la Jamaà¯que, celles des petites Antilles, de la Barbade, des Bermudes et surtout, celles de la Nouvelle-Angleterre fournissent aussi beaucoup de flibustiers, très souvent des créoles, c'est-à -dire des blancs nés en Amérique. Les flibustiers français qui possèdent déjà  une expérience maritime, quant à  eux, sont originaires des cités portuaires de l'Atlantique: surtout Dieppe, Saint-Malo, Nantes et La Rochelle, tous très impliqués dans le commerce avec les Antilles.
Les Normands marins ou non sont très présents: les Trébutor (de Dieppe), Vauquelin (probablement de Rouen) et Duglas (du Havre) tous fameux corsaires des années 1660 en sont des exemples. Les autres proviennent des provinces et villes du continent, quelques fois de Paris même. A Saint-Domingue, il y a ainsi beaucoup d'Angevins que le gouverneur D'Ogeron, lui-même un petit seigneur d'Anjou, a fait venir dans la colonie pour la peupler et qui participeront aux armements flibustiers.
Les relations de ces aventuriers français avec leurs homologues anglais ne sont pas toujours des meilleures, sources de maintes entreprises avortées. Des affinités religieuses peuvent aplanir la vieille rivalité entre les deux nations. En effet, grand nombre de protestants français ont émigré dans les colonies américaines où ils sont très actifs et souvent source de troubles. Le chevalier de Poincy n'avait-il pas envoyé Levasseur faire la conquête de la Tortue pour se débarrasser de ce huguenot trop influent? Chez les flibustiers même, les exemples sont nombreux. Pierre Lagarde, contremaître sur le vaisseau du sieur de Granmont, appartenait à  la Religion prétendue réformée. Moà¯se Vauquelin, associé de l'Olonnais, si l'on en juge par son prénom, l'était aussi.
En importance, juste après la majorité franco-anglaise, se retrouvent beaucoup de Néerlandais, surtout des provinces de Hollande et de Zélande. Depuis, que le traité de Westphalie a rendu leur nation amie et alliée de l'Espagne, ils se joignent aux flibustiers. Ils sont très réputés pour leur connaissance de la mer et fournissent souvent les chefs des flibustiers tant chez les Anglais que les Français. D'autres sujets du roi anglais, comme les écossais et les Irlandais se font aussi flibustiers. Des Scandinaves, sujets de la Suède ou du Danemark, qui jouent alors tous deux un rôle, quoique mineur, en Amérique, sont aussi représentés. D'autres sont Portugais, puisque de 1640 à  1667, le Portugal lutte contre l'Espagne pour retrouver son indépendance.
Même l'ennemi fourni aussi des effectifs: des mulâtres surtout, dont le modèle le plus achevé fut le capitaine Diego. Il y a aussi quelques noirs, affranchis après service rendu à  des flibustiers. Des Indiens s'embarquent aussi avec les flibustiers, mais, les différences étant trop grandes, ils agissent en quelques sortes d'auxiliaires et ne sont pas considérés comme des associés à  part entière.
Pour ces gens aux origines diverses, ce métier demeure un pis-aller. La plupart s'y engagent parce qu'il n'y a pas pour eux d'autres manière de survivre, comme le remarquait Pouancey, en 1677:
«Ils ne vont en descentes sur les Espagnols et en courses que pour avoir de quoi venir boire et manger au Petit-Goâve et à  la Tortue, et n'en partent jamais tant qu'il y a du vin ou qu'ils ont de l'argent ou des marchandises ou crédit pour en avoir.»
Certes quelques uns viennent à  la flibuste pour y acquérir de la gloire militaire, car celle-ci demeure un métier guerrier. D'autres, dans l'espoir de devenir riches, mais ceux-là  sont le plus souvent déçus. Rares sont, en effet, les flibustiers qui s'enrichissent à  la course.
Le sont moins ceux qui réussissent à  amasser un petit capital, en argent ou en esclaves, leur permettant de monter une modeste plantation de tabac. Outre par des pertes imputables aux Espagnols, aux maladies et aux naufrages, les flibustiers voient leur effectifs diminuer durant les périodes de paix de la France ou de l'Angleterre avec l'Espagne.
Cette tendance se remarque pour la Jamaà¯que, qui, ayant compté plus de 2000 flibustiers dans les années 1660, voit ses effectifs fondre à  partir de 1671 pour se stabiliser à  un peu moins de 1000 au milieu des années 1680. Quelques flibustiers se font alors contrebandiers ou marchands Plusieurs s'établissent planteurs dans les colonies anglaises et françaises. D'autres retournent vivre de la chasse ou, surtout à  partir des années 1670 et pour les Jamaà¯quains, se convertissent bûcherons dans la baie de Campêche ou aux Honduras pour y couper le bois de campêche.
A l'inverse, une entreprise, couronnée de succès, dont les participants rentreront à  la Jamaà¯que ou à  Saint-Domingue chargés de richesses, suscitera des vocations: l'espoir de richesses enflamme alors les esprits. En 1667, après l'affaire de Maracaà¯bo, plusieurs planteurs de Saint-Domingue abandonnent ainsi leurs champs de tabac pour joindre l'Olonnais dans son entreprise suivante aux Honduras.
Trois ans plus tard, Morgan, fort de sa réputation de chef heureux, attire pour son expédition de Panama, près de deux mille hommes, dont plusieurs n'ont jamais été flibustiers. Des difficultés liés à  l'exercice des métiers de planteurs, boucaniers ou bûcherons, contribueront aussi à  l'accroissement du nombre de flibustiers. Ce sera particulièrement le cas à  Saint-Domingue dans les années 1680, suite à  la chute de la petite industrie de tabac locale. Plusieurs planteurs prendront, ou reprendront, alors la mer. Ce qui expliquera, entre autres, l'augmentation du nombre de flibustiers dépendant de la colonie, qui passera de 1000 à  près de 3000 en 1684.
Les effectifs de la flibuste sont donc en continuel renouvellement. Cependant, les cas de flibustiers ayant fait ce métier dix, quinze et parfois même plus de vingt ans ne sont pas rares, mais ils ne constituent pas la majorité. Ils forment le noyau qui perpétue les différentes coutumes et traditions que les flibustiers ont fait leurs au cours des décennies. Lors des conseils de guerre, l'avis de ces anciens sera prépondérant, de même dans le choix des chefs, quand ils ne le seront pas eux-mêmes.
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05 janvier 2001

Pirates, à l'abordage !

Pirates, à  l'abordage! Pirates! Non pas corsaires, ces mercenaires de la mer qui agissaient avec une lettre de marque! Non, pirates! C'est-à -dire hors la loi, sans concession ni garde-fous, sans foi ni loi, sans dieu ni maître. Aucun romantisme chez les pirates. Aucune pitié à  attendre de leur part car ils n'en espèrent aucune. La règle est simple : arrêtés, ils sont exécutés.
Par Esp@ce Net Sarl

Au Musée de la Marine, à  Paris, ils sont là . Ils hantent les coques, ils escaladent les mà¢tures, dévalent les haubans, déchargent leur mitraille et sabrent à  tour de bras. Ils sont là  pour terrifier les honnêtes gens et les honnêtes gens en raffolent! Douglas Fairbanks s'agite sur un écran géant, au milieu de la pièce centrale de l'exposition, dans le premier film en couleur de l'histoire du cinéma : Le Pirate noir (1926). D'autres affiches nous montrent Errol Flynn, Charles Laughton, dans les classiques du genre. A vrai dire, l'exposition ne brosse pas toute leur geste, elle occulte la piraterie barbaresque, ne rappelle pas que les héros d'Homère étaient aussi des pirates. Pavillon d'Every Elle parle surtout de la piraterie anglaise du début du XVIIIe siècle, la plus mythique, autour des figures incroyables de John Rackam dit Calico Jack, Edward Teach, dit Barbe Noire, le capitaine Kidd–Un français dans cette galerie de vauriens : l'Olonnois, un être cruel qui finira cruellement mangé par des cannibales au Honduras.
Frères de la côte

Cette piraterie s'incarne dans le drapeau noir à  la tête de mort et aux tibias croisés, le fameux Jolly Roger, qui se popularise surtout–au moment où la piraterie entame son déclin. L'exposition nous emmène sur l'île de la Tortue, la « patrie » des flibustiers et des boucaniers, ceux qui se nomment entre eux « frères de la côte ». Un flibustier est, selon les circonstances, un pirate ou un corsaire. Disons que c'est un travailleur spécialisé contre les Espagnols qui opère dans les Antilles. Normalement, il a une commission, mais parfois non, ou alors très fantaisiste (l'un d'entre eux avait comme lettre de marque une autorisation d'un gouverneur danois l'autorisant à  chasser les chèvres! ). Pavillon d'EEmanuel WynneSon alter ego est le boucanier. Celui-ci est d'abord un chasseur qui approvisionne les marins en cochon sauvage, boucané, puis qui va rejoindre son cousin de fortune quand les Espagnols vont vouloir les exterminer, excédés par leur audace. Maracaibo, Panama, Vera Cruz, Carthagène sont mises à  sac, parfois plusieurs fois. Les galions qui transportent l'or des Amériques sont pris d'assaut par des hordes qui s'entassent sur des coques de noix. En 1701, le règlement de la Succession d'Espagne signifie sa fin.
Les flibustiers qui ne se rangent pas deviennent définitivement des pirates. D'autres marins célèbres ont eu un statut ambigu, comme les « chiens de mer » de la reine Elisabeth d'Angleterre, la protestante : Francis Drake, Walter Raleigh, John Hawkins. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, ils s'attaquent avec des moyens ridicules aux flottes et aux ports espagnols. Ils ramènent leurs trophées en Angleterre, leurs malles pleines d'argent, et d'abord la reine fait semblant de les morigéner car l'Angleterre n'est pas officiellement en guerre contre l'Espagne et ils n'ont pas de mandat officiel, puis–elle les anoblit.
Que recherchent-ils, ces pirates ?

L'argent, l'aventure, le risque, la mort. Ils ne veulent aucune entrave. Ils refusent toute inféodation, toute autorité, sinon celle qui les lie au moment de l'attaque. Ce sont des marginaux, des réprouvés, voire des pestiférés. En devenant pirate, ils abandonnent leur ancienne identité, leur nom au profit d'un sobriquet, d'un surnom. Ils ne portent aucun message social, aucune revendication globale. Les pirates fonctionnent selon des règles particulières, à  la fois individualistes forcenés, démocrates et guerriers obéissants. Leur code est très strict quand il s'agit de monter à  l'abordage, d'empêcher les querelles internes, et il s'avère très démocratique quand il faut répartir le butin, prendre des décisions sur la destination, les objectifs, élire le capitaine et le quartier-maître. L'équipage signe une chassepartie.
Celle-ci codifie les prises :
  • deux parts pour le capitaine
  • une part et demie pour le quartier maître
  • une part et quart pour les autres officiers
  • une part pour les membres de l'équipage.
On le voit, l'échelle de salaire est réduite, à  la japonaise plutôt qu'à  l'américaine. Jean-Marie Messier n'aurait guère pu imposer ses émoluments fabuleux alors que son navire prenait l'eau. Le capitaine a plein pouvoir pendant la chasse mais qu'il veuille ensuite s'imposer en tyran et son équipage le tue ou le dépose sur une île déserte. La chasse-partie distribue également des indemnités pour accident de travail ! Le pirate est cruel, soit. Il pille, il viole, il torture, il tue. Quand son navire se profile sur l'horizon, les paisibles marins marchands tremblent. Et pourtant, pour un matelot traité pire qu'un chien, être capturé par un pirate peut être l'occasion de quitter une vie de misère absolue contre l'espoir d'une vie meilleure.
Rejoindre un équipage pirate, c'est bien sà»r renoncer à  tout jamais à  revoir son pays, sa famille, mais c'est aussi pouvoir avoir son mot à  dire et choisir un peu son propre destin, fà»t-il court et sanglant. Dans cette société où la moralité n'est guère une vertu affichée, où la tempérance est soluble dans l'alcool, mais à  terre uniquement, les femmes sont interdites à  bord. Deux exceptions notables, cependant, mais travesties : Ann Boney et Mary Read, croisant au large de Cuba dans les années 1718-1720. Quel destin extraordinaire que celui de la première nommée! Fille d'un notable, elle s'enfuit avec un matelot puis rejoint l'équipage pirate de Rackam, dont elle devient la maîtresse. Arrêtée, condamnée à  mort, elle est sauvée parce que enceinte, « plaidant son ventre »! Après 1750, la piraterie, qui a compté jusqu'à  cinq mille hommes dans les Caraïbes, perd beaucoup de son pouvoir de rétorsion. Seuls les Barbaresques s'illustrent encore sur une grande échelle, mais ils se sont institutionnalisés.
Au début du XIXe siècle, ce sont les Pavillon Américains qui sont les plus touchés par la piraterie mais ils sauront aussi utiliser les services du Français Jean Laffitte, mi pirate-mi corsaire, contre les Anglais. Ce Jean Laffitte finira, lui, au terme d'une vie bien remplie, par subventionner la publication du manifeste communiste de Marx et Engels !
L'art s'est intéressé aux pirates. Des peintres américains, à  la fin du XIXe siècle, vont les immortaliser : Howard Pyle et Norman Cornwell Whyeth. Au XXe siècle, c'est le cinéma et la BD qui vont s'emparer de la thématique pirate, la détournant souvent, gommant son nihilisme pour un anarchisme plus acceptable. Alors, les pirates, des hommes d'un passé mythifié autour du folklore d'un Robert Louis Stevenson : jambe de bois, bandeau sur l'Å“il, crochet, île au trésor ?
Non, les pirates ne sont pas morts, même si l'exposition n'en dit rien. Ils écument la mer de Sulu, au large des Philippines, ils affolent les bateaux le long des côtes indonésiennes. Ils rançonnent les équipages, les passagers, même ceux des boat people. Honnêtes gens, continuez à  trembler (et à  rêver)!
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04 janvier 2001

Aux origines du pavillon noir

La piraterie est aussi ancienne que la marine elle-même. Rome puis Byzance tentent en vain de se faire respecter en Méditerranée, sans parvenir à  éradiquer le fléau qui perdure au Moyen Age tout en s'étendant en Manche et en Atlantique.

Par Philippe Jacquin

Dés le Ve siécle av. J.-C., les Romains avaient à faire face à  la piraterie endémique corse et sarde. L'installation de colonies romaines contribua à  réduire le danger. Les menaces les plus graves venaient de deux régions difficiles d'accés. En effet, les Romains, ne pouvant saisir les navires pirates, tentaient de réduire leurs bases arriére. Sur les rivages nord de l'Apennin, les Ligures lançaient des raids sur de petits bateaux. Rome, aprés des années de campagne, s'installa sur la côte et déporta une partie de la population en Italie centrale. Dans l'Adriatique, la côte illyrienne, parsemée d'îles et d'échancrures, demeurait le repaire de « peuples sauvages » : Istriens, Dalmates et Liburnes, excellents constructeurs de navires et prompts à  entreprendre des raids sur l'Italie. Le royaume de la reine Teuta devint un véritable « Etat prédateur » : seule l'intervention des légions mit fin à  son régne en 219 av.
J.-C.Rome était embarrassée pour répondre au désarroi de Rhodes. Les Romains, eux aussi, avaient eu l'occasion de souffrir de la piraterie crétoise. Vers 189 av. J.-C., quatre mille citoyens romains étaient retenus dans l'île, mais, engagée dans de longues campagnes militaires contre Anthiochos, Rome hésitait encore à  intervenir. Les marchands italiens s'accommodaient de la piraterie dans la mesure où elle leur fournissait une abondante main-d'oeuvre servile. L'île de Délos permettait de fructueux échanges avec les pirates ciliciens, crétois, étoliens. Toutefois, l'effondrement rhodien laissait le champ libre à  des hommes peu enclins à  la mansuétude avec leurs partenaires commerciaux.

Dés le IIe siécle av. J.-C., des pirates s'aventurent vers la Sicile, attaquent les convois romains et l'épisode de la capture du jeune César dans les Sporades est révélateur de l'insécurité en Méditerranée orientale.
Sur la côte méridionale de l'Asie Mineure, en Cilicie, prospérent des bandes de pirates, cachées dans un labyrinthe d'îles. Ils ont construit deux puissantes forteresses, d'où ils narguent les fiers Romains. Mais leur alliance avec Mithridate le Grand, roi le plus puissant d'Asie Mineure, déchaîne la colére de Rome. Plusieurs expéditions réduisent temporairement la piraterie.
Pavillon
Au Ier siécle av. J.-C., les pirates attaquent les navires chargés de blé, s'emparent de préteurs et de consuls, et, affront suprême, osent même s'aventurer jusqu'à  Ostie. Cette fois-ci, la coupe est pleine : en 67 av. J.-C., le sénat décide de confier à  Pompée la charge de débarrasser Rome de ce fléau. Avec cinq mille galéres et cent vingt mille hommes, Pompée quadrille la Méditerranée, détruit les forteresses de Cilicie, ratisse toutes les îles, propose aux irréductibles la soumission... ou la crucifixion. Les pirates sont enrôlés sur la flotte romaine ou dirigés vers des colonies agricoles. La Méditerranée devient la mare nostrum de Rome.

La paix maritime de l'Empire est troublée par une piraterie endémique qui prend la forme d'un soulévement contre l'ordre romain. L'insécurité maritime la plus grande régne sur la « frontiére », sur les mers périphériques de l'Empire, l'Atlantique, le Pont, la mer Rouge. Là , la piraterie prospére malgré la présence de la flotte romaine, incapable de surveiller d'immenses espaces loin de ses ports.
A partir du IIIe siécle apr. J.-C., les grandes invasions s'accompagnent d'une grave crise économique et politique propice au développement de la piraterie. La pax romana n'est plus qu'un souvenir. L'ombre des pirates s'étend à  nouveau sur la Méditerranée.
La mer constitue l'élément de cohésion de l'immense Empire byzantin et souvent l'unique moyen de maintenir le contact avec des provinces qui lui procurent toute sa richesse. Le « droit de la mer » byzantin se résume à  une condamnation ferme de la course et de la piraterie, assimilées à  des actes de brigandage. Byzance lutte avec plus ou moins de succés contre la piraterie « traditionnelle », celle des Ciliciens par exemple. Mais deux événements, la conquête arabe au VIIe siécle et l'arrivée des croisés au XIIIe siécle, vont ébranler la thalassocratie byzantine. Portés par le souffle de la foi, les Arabes se lancent dans une guerre sainte où tous les moyens sont bons pour affaiblir l'adversaire. Les Etats sous domination musulmane organisent une guerre de course qui leur permet d'alimenter un marché aux esclaves lucratif et d'enrichir les ports où sont écoulées les prises. Les conséquences de la piraterie arabe ne tardent pas à  se faire sentir. Les régions exposées aux corsaires se dépeuplent. Le rachat des captifs draine l'or byzantin vers les Etats musulmans : « boucliers de la foi », les Byzantins arrachent avec leurs sacs de piéces d'or des centaines de chrétiens à  un destin d'esclave. Dans ces temps difficiles, Byzance doit également faire face aux pirates de la côte italienne.
Le crime profite aux cités marchandes : en premier lieu aux deux républiques maritimes, Venise et Gênes.

En 1204, les croisés s'emparent de Constantinople. La perte de leur capitale est ressentie par les Byzantins comme un véritable acte de piraterie, perpétré par une bande de soudards ivres de pillage et de sang. Les croisés exercent leurs talents de brigands sur les côtes d'Asie Mineure et participent à  un fructueux commerce d'esclaves. Au XIIIe siécle, mais surtout au XIVe siécle, cette industrie est florissante : « Turcs » et « Maures » sont vendus sur les marchés crétois à  des Catalans, des Vénitiens et des Génois.

Pavillon MoodyMais les cités maritimes ne vivent pas seulement du commerce des esclaves. Gênes et Venise entretiennent des échanges extrêmement avantageux avec l'Orient. Par leur intermédiaire, épices diverses et variées, soieries, ivoire et or affluent en Occident. Les pirates catalans et siciliens, alléchés par ces mirifiques richesses, sont à  l'affà»t et tentent de s'emparer des galéres contenant ces trésors.
Aprés 1350, les bases pirates se multiplient sur la côte sicilienne, aux îles Lipari et à  Malte. Les chevaliers de Malte ferment volontiers les yeux sur les agissements de tous ces aventuriers venus de l'Europe entiére qui se livrent à  une piraterie, source de profits considérables pour l'île. Les victimes, Génois et Vénitiens, lancent sans grand succés des opérations sur l'île en 1381.
A la même époque, des pirates musulmans venus de Tunisie s'attaquent à  la Sicile, perturbant le travail agricole. Partout sur les côtes siciliennes, se dressent des tours de guet. Acculés à  la misére, les paysans des îles rejoignent les pirates et s'engagent dans la lutte contre les Sarrasins « perfides ».
Sous couvert de religion, la rapine, la violence, la traite des esclaves prospérent. Dans les ports méditerranéens, aux XIVe et XVe siécles, on ne pirate pas, on pratique le corso. Far il corso , faire le cours, devient une « industrie nationale » : moyen de subsistance pour les populations pauvres, survie économique, voire raison d'être pour les ports et les Etats.

En Europe du Nord-Ouest, la distinction entre course et piraterie demeure tout aussi floue. Aprés le choc des invasions vikings, l'Europe atlantique a connu un ralentissement du commerce maritime. Au XIIIe siécle, un « boom » économique le relance : le cabotage se développe, la pêche prospére, un commerce international se constitue sur deux grands axes : l'un vers l'est, en direction de Novgorod par Bruges et Là¼beck ; l'autre vers l'ouest, des Pays-Bas vers l'Angleterre. Anglais et marchands hanséatiques rallient l'Aquitaine et commercialisent le sel des côtes françaises de l'Atlantique ; Vénitiens et Génois naviguent à  destination de Londres, Anvers et Bruges.

Assoupie l'hiver, la piraterie s'éveille au printemps pour guetter le grand commerce maritime : prés des détroits danois, les navires baltes, dans la Manche, les Vénitiens, les Hollandais chargés du sel de la baie de Bourgneuf, ou les Anglais avec leurs lourdes barriques de vin de l'Aquitaine. Au printemps et à  l'automne, les brumes et les brouillards qui paralysent les lourdes nefs sont propices aux embuscades. Lorsque les prises sont minces, on n'hésite pas à  pourchasser les bateaux de pêche dans les eaux de la Scanie ou de la mer du Nord. Pour les habitants des petits ports ou des îles pauvres, exclus de la richesse commerciale, la piraterie est une aubaine. A Gotland, Helgoland, Wight, Batz, Ouessant ou Groix, le passage du moindre navire suscite la convoitise. Les îliens sont toujours prêts à  accueillir des vaisseaux cherchant un abri lors du gros temps, quitte d'ailleurs, si le rapport de force l'autorise, à  se saisir du butin et de l'équipage.

John RackamLa violence est alors le lot quotidien des gens de mer. Les solidarités nationales n'existent pas, la vendetta sert de loi. Dans de nombreuses affaires locales, injures et provocations lancées par les marins et les pêcheurs ne sont que des prétextes pour se livrer à  la piraterie. Aux XIIIe et XIVe siécles, la Manche et l'Atlantique fourmillent de baleiniers, armés par des nobles « cherchant l'aventure sur mer », écrémant tout le trafic, faisant peu de cas des amis, alliés, ignorant les sauf-conduits, les trêves ou les traités.
Bordelais, Rochelais, Bretons, Basques, Anglais connaissent les routes maritimes, il leur suffit d'attendre les proies. Aprés l'assaut, les prisonniers, jetés dans la cale, roués de coups, se voient extorquer la promesse de renoncer à  toute réparation. Parfois, les marins sont détroussés, abandonnés dans une petite barque sans vivres et sans eau ou sur le navire dont on a attaché les voiles. On n'hésite pas à  mutiler l'équipage ou plus simplement à  le passer par-dessus bord ! Sur mer, l'esprit chevaleresque est bien loin.

La violence maritime devient endémique et constitue une insupportable entrave aux intérêts économiques des nations européennes.

* Spécialiste de l'Amérique du Nord, Philippe Jacquin s'intéresse aux groupes marginaux en contact avec la nature. Il est l'auteur de Sous le pavillon noir, Pirates et flibustiers (Découvertes Gallimard, 2001) dont le texte qui suit est extrait.

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03 janvier 2001

Pirates et corsaires : l'épopée des écumeurs des mers

Depuis l'Antiquité, ils suscitent crainte et admiration. Leur aventure est pétrie de légendes. Historia fait la part du rêve et de la réalité.
Par Sergio Eltéca
Thucydide mentionnait déjà  l'existence de pirates sur les mers, vingt-quatre siècles avant les hackers , ces nouveaux forbans des flux informatiques. A quand remonte le phénomène ? Probablement aux premières embarcations, et Noé dut peut-être à  la protection divine la grâce de voir son arche épargnée des pirates.

BrasilSans amarres, le pirate ! Point de famille qui ancre l'honnête homme à  la routine. Point de famille mais tant de femmes à  butiner, au sens propre si l'on peut dire : le sexe faible fait partie intégrante du butin et le flibustier ne s'embarrasse pas de l'accord de ses proies. Si le pirate ne fait pas de vieux os dans les draps nuptiaux, il ne se complaît pas davantage dans les plis d'un drapeau. En rupture avec la société, il court les mers pour son propre compte et ne s'associe avec ses frères de la côte qu'au gré des coups de main. Rhum, petites pépées et paysages de rêve : l'image du pirate est celle du jouisseur sans entraves.
Et si les femmes veulent vivre l'aventure, qu'elles se travestissent en homme, comme le montre l'histoire d'Ann Bonny et de Mary Read. Quelques risques, tout de même, à  s'affranchir de tout lien pour vivre pleinement, et la bannière des pirates, avec ses deux tibias entrecroisés sous un crâne, annonce clairement que ces mauvais bougres redoutent peu l'ultime maîtresse.

L'imagerie fait la part belle aux fantasmes : au cinéma ( Pirates de Polanski), dans la littérature ( L'Ile au trésor de Stevenson), le pirate se présente comme un homme libre, affranchi du carcan des lois et des pesanteurs terrestres. A la fois Dieu et maître sur son navire, il ne pose le pied - ou la jambe de bois - que pour aborder de nouveaux mondes, des contrées idylliques peuplées de splendeurs inconnues et d'indigènes exotiques. Boucle d'oreille, tête coiffée d'un foulard, perroquet sur l'épaule : le folklore du pirate rebelle a probablement inspiré bien des adolescents, des hippies aux lobes percées et drapés d'étoffes bariolées jusqu'aux punk avec leur rat sur l'épaule.
Pavillon RobertsDans la bande dessinée, le personnage d'Hugo Pratt, Corto Maltese, incarne à  merveille l'aspect libertaire du pirate : toujours à  la découverte de nouveaux continents (géographiques ou oniriques), cet aventurier affranchi des lois et de la morale ne suit que son éthique, toute personnelle. La réalité est évidemment différente, et les témoignages historiques nous rapportent la cruauté et la sauvagerie des pirates : véritables requins pour les marins, ce sont des prédateurs de haute mer. Il faudra toute l'hypocrisie des nations pour blanchir le pavillon noir et donner quelque honorabilité aux rapines des pirates pour les transformer en exploits de corsaires. Le pirate n'obéit qu'à  son bon vouloir, le corsaire accepte l'autorité momentanée d'un roi qui utilise ce mercenaire, ce chien de mer, pour exécuter ses basses oeuvres.De nos jours, la sanglante saga de la piraterie continue sur mer, même si quelques sinistres cousins des flibustiers ont pris la voie des airs avec les détournements d'avion. Mitraillettes et appareillage électronique dernier cri remplacent sabres et pétoires, les trésors dérobés ne se comptent plus en doublons mais en tonnes de pétrole ou en lingots d'aluminium. La sauvagerie, elle, est restée la même.

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02 janvier 2001

l'encre noire des fréres de la côte

On a longtemps pu penser que la littérature avait façonné l'image de la piraterie ; une image romanesque à  souhait où le fracas des boulets le disputait à  quelques trésors enterrés et protégés par de vils boucaniers aux pilons déchirant le silence d'une auberge du front de mer. Il est vrai qu'avant que les fréres de la côte ne soient dignement traités par les historiens, leur légende noire n'a traversé les siécles et survécu dans l'imagerie populaire que grâce à  la plume avisée de nombreux auteurs. C'est une constante dans la littérature, le pirate a plu, plaît et plaira toujours, tant au public qu'aux écrivains.
Par Gregor Markowitz pour l'humanité

Grammont - GravureLe XIXe siécle va voir nombre d'auteurs se consacrer à  la littérature boucaniére, et quels auteurs ! Walter Scott (Pirate), Eugéne Sue (Kernock le pirate), Balzac (Argow le pirate), Victor Hugo (la Chanson du pirate, dans le recueil les Orientales) encore le Moonfleet de Faulkner, immortalisé au cinéma par Fritz Lang.En 1883, sort LE livre sur la piraterie, celui qui fit rêver et frémir des générations d'enfants, l'île au trésor, de Robert Louis Stevenson. De l'historien Michel Le Bris au dessinateur Hugo Pratt, tous " avouent " que les aventures de Jim Hawkins combinées à  une attirance pour les mystéres de la mer - dire que le roman fut achevé en Suisse ! - les ont grandement influencés.

La fin du XIXe siécle verra les premiers romans où la piraterie commence à  se teinter de nuances politiques, en particulier sous la plume d'un Italien, Emilio Salgari. De 1883 à  1904, Salgari, avec les aventures de Sandokan (personnage connu des plus téléphiles), met en scéne des pirates (les tigres de Monpracen) qui s'opposent aux colonialistes anglais. Dans un style entiérement consacré au roman d'aventures, Salgari oppose la fraîcheur de la révolte - même désespérée - à  la puissance du capitalisme qui tue toute générosité. Salgari, malheureusement jamais réédité en France, est l'un des auteurs fétiches du Mexicain Paco Ignacio Taibo II ou de Luis Sepulveda. Taibo II cite abondamment Salgari dans ses polars, qu'il considére comme l'un des premiers romanciers anti-impérialistes.

Le début du XXe siécle avec Peter Pan de James Mattew Barrie donne une nouvelle figure - mille fois utilisée - emblématique de la piraterie avec le Capitaine Crochet. Laissons là  cette remontée du temps, preuve est faite que les " butineurs des mers " trouvérent rapidement grâce aux yeux des romanciers et des plus fameux. 112 ans aprés Stevenson, un auteur suédois, Björn Larsson, donne la parole à  un certain Long John Silver, le " trés méchant " de l'île au trésor. Long John souhaite ainsi contredire les assertions de Jim Hawkins et faire état de sa version des faits en tant que " gentilhomme de fortune et ennemi de l'humanité ". Pour cela Long John s'adresse à  Daniel Defoe en train de rédiger son Histoire générale des plus fameux pirates. Le livre de Larsson est l'un des meilleurs romans sur la flibuste, où humour et esprit de liberté donnent un rebondissement inattendu à  l'ouvre de Stevenson. La même année, Daniel Vaxelaire, avec les Mutins de la liberté, prend à  son compte l'histoire de Libertalia (voir l'Humanité du 6 aoà»t et l'entretien ci-contre) où comment Misson et Carracioli ont mené leur quête de construction d'une société égalitaire au début du XVIIIe siécle au large de Madagascar. Une ouvre à  l'égal de celle de Larsson et qui, loin de trahir l'âme du récit de Defoe, renforce la dimension humaine et politique de cette incroyable utopie. On retrouve même des pirates chez Luis Sepulveda dans sa derniére anthologie, les Roses d'Atacama, où il rend hommage à  Klaus Störtebecker, Robin des bois de la mer du Nord qui fut pendu en 1 400 à  Hambourg.

Grammont - GravureEvidemment la science-fiction ne pouvait laisser filer une telle manne. Sur des mers ignorées, de Tim Power, met en scéne l'une des plus délirantes " utilisations " de Barbe Noire transformé en une sorte de prince vaudou dans un Nouveau Monde où la magie a légérement changé les choses. Une fois arrivés dans l'espace, les pirates de la S-F sont légion. De la Geste des princes-démons de Jack Vance aux contrebandiers de Dune, les galaxies ne sont pas sà»res.

Idem pour le Web ou le courant S-F cyberpunk a vu dans les hackers les dignes descendants des flibustiers. Les livres de William Gibson ou Bruce Sterling regorgent d'abordages de sites sur des océans de données. Ce panorama rapide et non exhaustif pour affirmer que oui, l'idéal pirate n'a nulle frontiére tant sur les mers qu'en littérature.

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01 janvier 2001

La tortue - notre repaire

La Tortue kontan wé ou !
Lieu chargé d'histoire et de légendes, on retrouve sur l'île de la Tortue les vestiges des différents occupants qui se sont succédés : des premiers indiens arrivés vers l'an mille aux colons des XVIéme, XVIIéme, XVIIIéme siécles.
Par Centre de Consultation d'études et d'Exécution en Développement (C E D)

Au XVIéme siécles les Espagnols ont entiérement décimé la population indienne. L'île a été exploitée par les Anglais et les Français pour son bois en abondance. Vers 1600, les boucaniers se sont implantés dans l'île qui devient le refuge des pirates. Liés par un pacte, ils se diront Petits Fréres de la côte et devinrent légendaires. L'île fut le premier point de colonisation française à  Hispaniola. Au XVIIIéme siécles, des esclaves (marrons) se sont réfugiés sur l'île qui à  cette époque était la propriété du Duc de Choiseul-Praslin. Le Duc et un artisan, Raymond Labatut, exploitérent d'abord les bois précieux de l'île, puis ont planté du café, de l'indigo et du coton.
Vestiges historiques : Visites des villages et grottes habités par les indiens; forts, batteries, habitations, épaves.carte


ETAT ACTUEL :

  • Superficie : 190 Km², 7KmsX37Kms
  • Population : 36000 habitants
  • Densité de la population :195H/Km²
  • essentiellement rurale ;
  • Quelques villages.
  • Géologie : L'île fait partie d'un bloc tectonique distinct du reste de l'île d'hispaniola; trés accidentée avec une crête centrale, des terrasses au nord, sol sablo-limoneux sur les côtés et argileux/acide sur les hauteurs qui atteignent 450m, la côte sud a des plages et des récifs exceptionnels.

POTENTIEL DE DEVELOPPEMENT :
Avec sa géologie, ses sites naturels d'une beauté exceptionnelle, ses plages (l'une d'elles a été désignée la plus belle des caraïbes), ses récifs, ses montagnes, ses vestiges historiques et culturels, l'île avec ses légendes de pirates a un potentiel touristique évident et extraordinaire. L'île dispose également de terres argileuses qui se prêtent facilement à  la fabrication de poterie et de brique entrant dans la construction de maisons et autres ouvrages d'art.Il existe une abondante main d'oeuvre qualifiée travaillant dans la fabrication de bateaux (voiliers de plaisance) à  partir du bois importé.Le sol est propice à  la culture des fruits et la pêche reste une source de revenu importante.Déjà  depuis trois ans, la société (CED) dispose d'une capacité de six lits où elle reçoit chaque semaine, du Jeudi au Dimanche un groupe de six personnes. Aprés avoir accueilli sept cents visiteurs nationaux et internationaux, beaucoup d'intérêts y sont manifestés pour élargir le cadre de loisir dans l'éco-tourisme.Notre objectif est de promouvoir le tourisme alternatif à  travers le riche passé de l'Ile de la Tortue. Le CED travaille depuis 1995 par le biais de Victor Edmond.

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