08 janvier 2001

Surcouf, un sang bleu au service de la Convention


Par Bertrand Galimard Flavigny
En 1812, le nom de Surcouf est synonyme de courage et d'aventure. L'Anglais est l'ennemi du Français, et les victoires sur mer, remportées avec audace par le corsaire, sont chaque fois racontées dans les gazettes. Il incarne l'honneur du pavillon français.
Le petit Malouin de 13 ans, que ses parents destinaient à la prêtrise, a fait un long chemin. Il est né en décembre 1773 d'un père armateur et d'une mère, fille d'un capitaine de la Royale. Mais il compte, parmi ses ascendants, plusieurs corsaires et même un roi d'Irlande. De quoi le tremper dans un sang d'acier. On rapporte qu'à 15 ans, il se porte volontaire pour le commerce avec les Indes. A 18 ans, il a déjà gagné son épaulette de lieutenant mais, face aux bouleversements provoqués par la Révolution, il préfère quitter la marine de guerre pour la course. La période n'y est pas favorable, car la Convention projette de l'interdire. Les équipages sont difficiles à recruter, les armateurs manquent et l'Etat ne finance plus la construction des bâtiments. Il se lance pourtant dans l'aventure avant même d'avoir pu obtenir une lettre de marque, ce qui lui vaut la confiscation de ses premières prises, que le Directoire lui restitue à titre de récompense.
Devenu capitaine corsaire à l'âge de 22 ans, il mène la chasse contre les navires de la Compagnie française des Indes dont son arrière-grand-père avait été cofondateur !Prenant comme base, l'île de France (la future île Maurice) ou l'île Bourbon (la future Réunion), Surcouf capturera, en quelques années, dans un triangle qui va de ces possessions françaises aux côtes de Sumatra en passant par le golfe du Bengale, 47 navires, en trois campagnes et cinquante mois de mer. Parmi ceux-ci, on compte un bâtiment anglais de la Compagnie des Indes, le Triton (1 000 tonneaux, 26 canons et 150 hommes d'équipage) capturé au large de l'Inde, le 29 janvier 1796. La prise est d'importance pour l'île de France, au bord de la famine, car le navire est chargé de riz et de maïs. Surcouf rentre à Port-Louis en sauveur, à bord de son navire, un brick baptisé l' Emilie , qui ne dispose alors que de 60 hommes. Il renouvelle l'exploit avec les 150 hommes de La Confiance (364 tonneaux, 18 petits canons) qui se lancent, le 7 octobre 1800, à l'abordage du Kent , un bâtiment qui jauge 1 200 tonneaux, est armé de 38 canons, et embarque 437 hommes d'équipage dont 150 fusiliers.

" Le capitaine Revington fut tué et le général St John fait prisonnier ; l'ennemi perdit en outre 80 hommes tués ou blessés, et nous n'en eà»mes que 14 hors de combat ", note-t-on à l'époque.

Avec un autre brick, le Clarisse , Surcouf capture un trois-mâts anglais, l' Auspicious dont la cargaison vaut plus d'un million de francs de l'époque... De quoi énerver l'Angleterre, qui offre 5 millions de francs pour sa capture.
Surcouf, fortune faite, est rentré à Saint-Malo en avril 1801, décidé à faire fructifier ses biens et devenir comme son père, armateur. La rupture du traité d'Amiens, en mai 1803, bouleverse ses plans. Napoléon lui offre le grade de capitaine de vaisseau et le commandement de deux frégates dans l'océan Indien. Le marin décline l'offre, suggérant au Premier Consul de se lancer dans la guerre de course. En 1807, après quelques revers, Surcouf décide de reprendre la mer et de regagner le terrain de ses anciens exploits dans l'océan Indien. Il a fait construire un trois-mâts barque de 20 canons, dont la coque est doublée et goujonnée en cuivre, Le Revenant , qui peut filer 12 noeuds (environ 22 km/h) ! Face à lui, les bâtiments anglais préfèrent se rendre plutôt que d'engager un combat incertain. Ces succès provoquent, semble-t-il, la jalousie du général Charles Decaen (1769-1832), alors gouverneur général des établissements français dans l'Inde. Il réquisitionne Le Revenant . Furieux, Surcouf rachète La Sémillante , une frégate que le gouverneur avait aussi fait réquisitionner sans pouvoir l'entretenir. Il la rebaptise Le Charles et rentre en France. Decaen fait saisir les biens du corsaire dans les îles (biens qui lui seront restitués, en 1810, sur décision de l'Empereur).
Les historiens s'accordent pour dire que cet incident, qui priva l'île de France de la présence du marin, permit aux Anglais de s'en emparer. Quant au Revenant , il est capturé par les Anglais en octobre 1808, mais repris par le capitaine de vaisseau Duperré, à bord du Bellone , deux ans plus tard. De retour en France, Surcouf est reçu par Napoléon, et on raconte que celui-ci l'a fait baron d'Empire. On ne trouve pourtant aucune trace de ce titre dans les armoriaux. Surcouf avait, en revanche, reçu la Légion d'honneur, dès 1804.Colonel de la garde nationale de Saint-Malo, en 1814, celui qui est devenu le plus important armateur du port s'éteint en 1827, âgé de 54 ans, auréolé de gloire.

" Il était de ceux qui appellent sur eux le regard des autres, qui dominent une foule, apaisent une révolte et forcent un succès ", écrira, un siècle plus tard, Garneray dans Voyages, aventures et combats . " Cet homme nommé Surcouf, ou Surcouf le Jeune, ou Robert Surcouf, ou même encore le gros Surcouf, si l'on veut, haut de cinq pieds six pouces, était vigoureusement charpenté, les yeux un peu fauves, petits et brillants, le visage couvert de taches de rousseur, le nez aplati ; ses lèvres minces s'agitaient sans repos. [...] C'était un compagnon d'humeur joyeuse, brusque et diseur de grosses vérités, enfin ce que les matelots appellent un bon b... " Il était aussi un homme d'honneur, même les Anglais le reconnaissaient.

L'âme de Surcouf passe encore par-dessus les remparts de Saint-Malo, lorsque croise au large, la réplique, achevée en 1991, de son bateau le plus célèbre, Le Renard lancé en 1812.
Brest hisse aussi les voiles

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