Je ne vais pas commencer à discourir sur les corbeaux et leurs métamorphoses, qui frisent les métaphores ou de leurs ailes, qui frôlent les lourds pavés neigeux, ces nuages veinés par de fins lits ensoleillés ; pourtant, le début ne fut pas exactement celui que je pensais :
" Un homme court dans le sable, où se suivent ses pas serrés par une course lente. " Mais où va réellement cet homme ? Nous ne le savons pas. Nous ne pouvons, ni ne pourrons le savoir, si nous n'avons pas son but entre les mains, pour le lire, le décrire, le dévoiler, et enfin détruire cette vague espérance de vie qui passe comme un éclair dans le grand livre aux lettres dissoutes des présents sur le globe bleu.
Mon discours s'arrêtera-là pour cet homme qui n'a vraisemblablement pas le pouvoir de survivre à lui-même - par un quelconque enfantement - ni de produire un héritier, cette source d'aide pour la vieillesse. Il restera, investi par un travail sans effort et sans avenir, dans un bureau aux peintures rutilantes et murales - de morves liquides, de croûtes cloacales - où des rayons se heurtent les uns aux autres pour enfin tacher le sol d'une fugace lueur, comme un bureautier anéanti par une véritable lettre de licenciement licencieuse, écrite par une personne qui ne l'ayant jamais vu, ni dit : " bonjour ", n'a même pas l'horrible angoisse de détruire un être vivant.
Enfin licencié par un état hors norme, il peut se vendre à d'autres selon le désir des plus offrants et le plaisir de ceux qui passent - fiers, repus de leurs repas trop riches en calories ainsi qu'en graisse et gavés comme pour un repas dans une basse-cour d'un couple d'éleveurs d'oie - devant les vitrines éblouissantes des A.N.P.E. dans leurs manteaux ouatés de doux silences discrets mais interrogatifs (Mais qui sont ces êtres ?). Dans nos sociétés, nous appelons ordinairement cet acte " Prostitution " ; même si cela n'a rien à voir avec ce travail exclusivement féminin et enfantin, gouverné par de mâles désirs et profits ; mais ici, et uniquement dans ce cas, il sera appelé " Marché du travail ". Allez comprendre quelque chose !
Je fais parti du siège où siègent de grands, gros, gras / placides et amorphes amiraux, patrons et politicards en toc qui cherchent leurs claques. Mais qui n'est pas comme moi, écrasé par tous ces cadres au service d'une institution ?
L'état majeur de notre existence n'a pas de création vraiment flagrante, sinon l'irrespect, que nous avons pour nous-mêmes. Donnez-lui votre sang, il prendra votre coeur, et enfin vous prendrez soin de lui, tandis que lui prendra sang à vous. Tout se recoupe dans la pièce circulaire de nos actes.
C'est avec cet état d'esprit lugubre, moi Isidore Ducasse dit Comte de Lautre amont, fidèle serviteur de Maldoror, que je parvenais en haut des marches d'une caserne désaffectée où se réunissaient quelques Guides de l'urbanisme sauvage, ces professionnels de la dégradation mentale la plus élémentaire. La folie n'était pas loin, les aides hospitalières non plus. Ici, il était clair, qu'à Noël on m'offrirait une camisole de force toute neuve, pour calmer mon ennui et mon envie de solitude. Il faudra bien que j'abandonne toute idée de liberté il faudra que ce mot disparaisse de mon vocabulaire, sans quoi je resterai un simple marginal composté en cours de validité.
N'allez pas croire, chers Lecteurs, que je cherche à vous endormir par mes mots, ni même à vous donner le vertige par des phrases longues, alambiquées, peut-être creuses et pourtant...
Hervé - Les souvenirs d'Isidor Ducasse
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