Certains lecteurs aigris de ne pouvoir écrire, veulent à tout prix connaître la manière d?écrire et de vivre, la condition sociale de son aimable conteur. Ces lecteurs, qui se reconnaîtront à n?en point douter, heureux -(Ils ne peuvent pas avoir, après tout, toutes les tares du monde)- vont être aimablement aidé dans leurs désirs, par cette strophe, que je proclamerai d?ici quelques instants. Je nourrirais leurs odieux aphtes.
J?écris ces lignes est dans une petite salle, d?environ 30 à 60 mètres carrés, avec une table en bois ancien, de laquelle sortent les clous qui attachaient naguère le plateau aux pieds sinueux, dans lesquels sont gravés des chiffres presque ésotériques, signalant la date de fabrication et de préemption du bois, ainsi que le passage des différentes personnes. La table en question soutient quelques feuilles, des stylos, un bloc-notes bleu et une calculatrice électronique (220 V alternatif) avec une imprimante qui note systématiquement en bichromie les chiffres qu?on frappe, se trouve à droite, tandis qu?à gauche sont posés des classeurs à archives contenant le budget de l?année 1996, des litres de chiffres à rendre ivre le plus sobre comptable, et qui mieux que le bon vin me saoul. J?aime bien les chiffres, mais pas ceux là.
La chaise un peu vieillotte et peu confortable a soutenu, il n?y a pas si longtemps, le fessier bien dodu de la secrétaire. Je la remplace. Elle tiendra bien le coup.
Derrière moi se découpe un hôpital à l?accueil hospitalier, dans les petits carreaux carrés de la grande fenêtre. Le ciel cache bizarrement les toits des bâtiments loin d?être hospitaliers, qui se reflètent sur une table de dissection en étain massif, aux pieds larges comme des troncs d?Urbaum. Le reflet est rouge au touché de l?étain gris. En fait nous sommes dans une officine pharmaceutique. Priez de ne pas y entrer, même après avoir sonné ! Vous pourriez perturber ma méditation. L?ensemble du bâtiment se dentelle dans les déchirures de bistouri du billard. Les morceaux s?éparpillent, captant l?angoisse de ces pensionnaires blessés par la guerre. Nombreux gisent dans les souvenirs, d?autres fiers ne vivent que dans leurs glorieux faits de guerre. Les médailles sont là pour leur rappeler, qu?un corps percé par une balle gît encore à côté d?eux.
Voilà, lecteur, es-tu ravi de savoir où je suis pour te dénoncer ces modestes pages. Reste encore un peu, de manière à goutter mes paroles, ce miel où viennent s?abreuver les défauts humains, et aussi, mais facultativement, leurs qualités. Ne serait-ce qu?un instant, puisque tu parais déçu, je me relance.
Là où je me retire pour faire les corrections, est une pièce de 20 à 30 mètres carrés, où s?alignent et se chevauchent de nombreux livres arborant fièrement leurs titres et auteurs sur la tranche. La table et la chaise semble plus modeste. Aux murs s?accolent de nombreuses images et portraits, afin de me divertir l??il dans mes minutes de rêveries.
Je peux paraître méprisant à travers ces lignes, pour toi lecteur qui tente vainement de déchiffrer mon âme, mais je ne peux me lasser de gravir toujours plus haut les montagnes de la solitude et du selbstüberwindung . Me croyez-vous si médiocre pour me plonger dans la béate habitude de la ritournelle quotidienne.
Point final et cela sera tout pour aujourd?hui.
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