03 novembre 2005

Les souvenirs d'Isidor Ducasse Acte 1 Scene III

Après ces deux longues strophes, je retournais dans mon jardin, cueillir romarins et bulles de souvenirs errantes.

Le sapin voyait sa fin venir, même si elle ne pouvait pas laisser présager sa rapidité, ni même sa méthode particulièrement éprouvante pour ses proches, et cette condition n'est pas réellement valable, ni validé, dans les formes actuellement admises par la grammaire " Orthodidacte " .

Ces épines étaient encore vertes et belles et bien attachées aux branches comme des ongles aux doigts d?un ornicophage , comme un mouton dans les serres d?un aigle, comme la terre dans les mains d?un serf, ou plus communément, comme un cerf dans la ligne de mire d?un chasseur. D?un trait, d?un simple mais terrible...
- Pas pour nous, mais pour ce malheureux et verdoyant conifères
... trait, il fut arraché de la terre, séparé de sa matrice , mamelles maternelles, pour mourir auprès de son unique père, un vieux phanérogame de luxe comme lui, dont on fait des bières de qualité, voir de luxe, carrées, décorées et dorées à souhait, avec deux poignées sur les côtés, pour qu?on puisse la prendre, la vider et l?oublier.

On n?y pense pas assez, et quand on est comme le fils, frais et sain, mais quand on est comme le père, on s?y retrouve sans y avoir plus de pensées, en espérant juste un peu pouvoir y échapper, ne pas avoir à y aller. Mais il faut bien que vieillesse se passe, et que jeunesse se meurt. A bon entendeur !

On peut parfois tout repousser, mais jamais perpétuellement. Bien dommage, n?est-ce pas ! Cela n?a pas vraiment d?importance, et lorsqu?on est comme moi, certain de produire quelques pages destinées à une éternité, qui ne vous oubliera peut-être pas - Permettez-moi d?en douter, puisque je suis à cette place, encore un peu précaire mais tout de même pleine d?espérance.

L??uvre du gymnosperme est un tombeau, à l'image, je suis ce qu?il y a dedans -(Il ne faut pas m?en vouloir, je suis comte depuis un siècle, après tout)-, mais restant en vie, malgré tous les déboires que cela peu bien occasionner.

Memento, homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris.

Cette strophe ne pouvant pas se terminer de cette manière, et ma plume n?étant pas bouché, je m?en vais vous parler du vent, qui secoue les épines et les étamines chargées de la poudre jaunes des pépinières, ces chaudes pouponnières arborées.

Avez-vous entendu le vent, parler du parler ; parler le vent dans les branches des pins ? Je vais certainement vous en parler comme jamais vous ne l?avez entendu.

D?abord, et signalons-le, il ne mord pas le fer de ces crocs glacés, pour y laisser de larges creux, mimétismes de sa denture, non, il le caresse jusqu?à l?usure. Sa douce main balaie sa fourrure gelée aux aspects et reflets bleutés, jusqu?à le remodeler comme un vulgaire morceau d?argile. Sa longue cape tisse les cheveux, pour en faire des volants filant à tout vent. Il agite les jupes des jeunes filles, les effraie un peu en les poursuivant nonchalant, comme un amant trop fier et trop sûr de lui-même, un amant trop pressé d?en finir avec la phase numéro 1.

Il les embrasse, en leur caressant leurs jambes dénudées, remonte presque là où ma description se doit de s?arrêter, pour ne pas offusquer les groupuscules fanatiques de la pudibonderie exagérée (et c?est un utile pléonasme.) Il joue avec leurs cheveux, leurs jupes, leur... Le vent, c?est sensuel.

Il lape dans les lacs, des flaques d?eau, de quoi se réhydrater, puis il s?égoutte en mouillant la plage, et parfois il emmène plus loin encore son breuvage. Et tel un coureur invétéré, il s?enfuit, ne laissant même pas son ombre derrière lui, pour se cacher, voir garder sa fuite.

Et quand le citadin avale ce curieux aliment sans saveur - quoi que cela puisse être contredit :

Le vent a parfois une saveur âcre de fumée de cigarette, d?usine ou de train et de gare, et même parfois, le goût doux d?un parfum - , sans constitution, il lâche une toux rauque pleine d'expectorations jaunâtres. Il recrache cet amas infectieux hors de ses poumons. Mais il ne se doute pas que dans son calme bureau, où le moniteur d?ordinateur et le néon pendu au plafond l?éclairent d?une pâle lueur, l?air distillé et conditionné se referme sur lui, comme dans une boite de conserve stérilisée arrivant à la date de préemption, laissant s?échapper des hordes de Legionella, et d?autres agents pathogènes rendant mortel le plus commun des vivants. Mais la viande, ainsi gardée des injures du temps dans cette fausse stérilisation, ne subsiste parfois même pas. elle se recroqueville puis de dessèche ; elle s?aigrit. Les rides apparaissent puis se durcissent.

Cette vieillesse s?allie au temps, et nous alite, rendant parfois vivant le plus commun mortel.

Voilà, la nature a été élue seul sujet durant cette stance. Je m?arrête et vais uriner.

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