Jeunes. Olivier Galland, sociologue, estime qu'un «fossé culturel» est en train de se creuser entre les jeunes et le reste de la société :«Pour les 18-30 ans, la France est rigide et sans souplesse»Par Gilles WALLONjeudi 11 août 2005 (Liberation - 06:00)
Olivier Galland, sociologue, est directeur de recherches au CNRS (Groupe d'études des méthodes de l'analyse sociologique, université Paris-IV) et chercheur associé au Laboratoire de sociologie quantitative (Crest-Insee). Il a codirigé l'ouvrage collectif les Jeunes Européens et leurs valeurs (éditions la Découverte).
D'où vient cette vision qu'ont les jeunes d'une France rigide, impossible à «faire bouger» ?
D'une perte d'«identité française» générale. Dans d'autres pays européens, les pays nordiques notamment, la confiance dans les institutions reste forte et amène un sentiment d'appartenance collective qui n'existe plus ici. Beaucoup de Français, dont une partie de la jeunesse, tentent de combler ce manque par un repli identitaire. Ils manifestent un attachement fort à une localité, à leur ville, à leur région. Et ils ont peur de perdre ces repères-là. C'est un comportement de protection, mais aussi d'enfermement. D'autres jeunes, les plus dynamiques, ne supportent pas cet état d'esprit. Alors ils partent.
Diriez-vous que la société française n'est plus en phase avec sa jeunesse ?
Le courant ne passe plus. Les affrontements générationnels, fréquents dans les années 60 ou 70, c'est terminé. L'indifférence, le conflit passif, ont pris la place du conflit ouvert. Les 18-30 ans ont en tête l'image d'un pays rigide, autoritaire, qui manque de souplesse. Le «système français» ne répond plus à leurs attentes, à l'école en particulier. Mais ils refusent de s'y adapter. Ils estiment que ce n'est pas à eux de changer. Un fossé culturel se creuse entre eux et le reste de la société.
Quelle vision ont-ils de l'Europe ?
Les jeunes doivent construire leur place dans la société, un travail de plus en plus long et difficile. Ils pensent donc d'abord à leurs problèmes quotidiens, locaux. On l'avait vu lors du débat télévisé d'avant-référendum, face à Jacques Chirac. Lui tentait de mettre en avant une vision générale de l'Europe. Le divorce était flagrant. Mais beaucoup d'entre eux vivent concrètement l'Europe, notamment grâce au programme Erasmus. Un autre projet de ce type pour les jeunes qui ne font pas d'études, ou qui les ont arrêtées, serait d'ailleurs nécessaire. Il faut continuer d'élargir leur vision.
Beaucoup semblent partir avant tout pour des raisons économiques...
Ils vivent une situation paradoxale. D'un côté, le nombre d'années d'études ne cesse d'augmenter pour des étudiants de plus en plus nombreux. Mais le marché de l'emploi n'est pas en mesure de répondre aux attentes de ces jeunes surdiplômés. D'où une très grande précarité pendant les premières années de vie active. De l'autre côté, le pourcentage de jeunes qui sortent du système éducatif sans aucun diplôme reste élevé, et stable. Un jeune sur cinq n'a pas d'autre diplôme que le brevet des collèges. Marché du travail fermé, mobilité faible... Ceux qui partent sont fatigués de ces difficultés à s'insérer dans la vie professionnelle. Ils recherchent un système d'embauche plus flexible qu'en France. Et vont vers des pays où la culture du «petit job» est plus développée.
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