Ils ont forgé la légende de la flibuste
Par Bertrand Galimard Flavigny
Si le jeune marin Edward Drummond avait obtenu l'avancement qu'il espérait dans la marine anglaise au service de la reine Ann, serait-il devenu pirate sous le pseudonyme d'Edward Teach, dit Barbe-Noire ?
Par Bertrand Galimard Flavigny
Si le jeune marin Edward Drummond avait obtenu l'avancement qu'il espérait dans la marine anglaise au service de la reine Ann, serait-il devenu pirate sous le pseudonyme d'Edward Teach, dit Barbe-Noire ?
Il ne fut pas le seul pirate à écumer les Caraïbes, mais lui, on s'en souvient. On sait que vers l'âge de 20 ans - il est né en 1680 -, il embarque sur un bâtiment corsaire au service de la reine Ann (1665-1714), durant la guerre de Succession d'Espagne. Il s'y fait remarquer par sa témérité et les bâtiments des rois de France auront à se plaindre de ses abordages. Sans doute Teach n'est-il pas suffisamment bien né pour recevoir un commandement. Dépité, il se détourne du droit chemin de la mer et propose, en 1716, ses services au capitaine pirate Hornigold. Celui-ci met à l'épreuve le jeune marin et commence par lui donner le commandement d'un sloop qu'il a pris.
Aux côtés d'Hornigold, l'apprentissage du pirate dure deux ans, jusqu'au jour où il aborde un gros navire marchand français de 40 canons, le Concorde . La prise est d'importance, d'autant plus qu'Hornigold lui en confie le commandement. Nous sommes alors en 1716, la reine Ann, la dernière des Stuart, disparue depuis deux ans, a réuni à la couronne d'Angleterre celle d'Ecosse et ajouté Gibraltar à ses conquêtes. Teach voue davantage de rancune à ses chefs qu'à sa reine. Comme c'est alors l'usage, le nouveau « pacha » rebaptise son navire et lui donne le nom de Queen Ann's Revenge .Fort de cette nouvelle position, le capitaine pirate prend son indépendance et se met à son compte. Maître d'une flotte de quatre bâtiments pouvant embarquer 300 hommes, il commence à écumer les mers et ravager les côtes de Virginie et de Caroline. En un an, il arraisonne plus de 40 navires et le gouverneur Spotswood met sa tête à prix. C'est le commencement de la gloire. Le lieutenant Robert Maynard, commandant du bâtiment de guerre Pearl , est désigné pour capturer Barbe-Noire. Il repère très vite le pirate qui mouille dans la baie de l'île d'Ocracoke, au large de la Caroline du Nord, une petite île quasiment vierge, peuplée de tortues. Sûr de sa force, Barbe-Noire feint de ne pas voir le détachement de la Royal Navy et ne prend donc aucune disposition particulière.
Le 22 novembre 1718, au petit matin, Maynard lance son bâtiment contre celui de Barbe-Noire. On imagine les cris, les coups de feu des pistolets, les hurlements, les cliquetis des armes blanches, les râles des blessés. Soudain, Maynard se trouve face à Barbe-Noire. Chacun est armé d'un sabre et d'un pistolet. Ils se tirent dessus, comme dans un duel. Le pirate est touché, mais se précipite pourtant contre son adversaire. Le lieutenant, la lame de son sabre brisée, est en fâcheuse posture. Barbe-Noire est sur le point de le transpercer, lorsqu'un matelot lui assène un coup de poignard à la nuque. Surmontant sa douleur, inondé de sang, Barbe-Noire continue à se battre, mais un autre matelot se mêle au combat et le blesse à nouveau.
Finalement, Maynard le touche mortellement d'un coup de pistolet. Barbe-Noire a été atteint vingt-cinq fois dont cinq fois par balle. Maynard fait trancher la tête du pirate et l'expose au sommet du mât. Il pense ainsi lancer un avertissement à tous les pirates qui écument les Caraïbes. En fait, par ce geste, il vient de créer une légende.
Nombreux sont ceux qui refusent de croire en la mort de Barbe-Noire. Combien d'actes de piraterie lui seront attribués longtemps après ? Les récits les plus rocambolesques entourent ce personnage que l'on dit avoir épousé quatorze femmes. Des témoins dignes de foi racontent qu'il montait au combat la barbe tressée d'une dizaine de nattes attachées par des rubans rouges... sang. Il accrochait aussi deux brandons enflammés à son chapeau qui encadraient son visage, ce qui le faisait apparaître dans un halo de feu. Barbe-Noire se voulait terrifiant. Il y réussit. On rapporte encore qu'il jouait à tirer sur ses marins :
« Si je n'en tuais pas un de temps en temps, ils finiraient par
ne plus savoir qui je suis », disait-il.
Qui dit pirate, dit trésor. Barbe-Noire aurait caché le fruit de ses pillages sur toutes les plages désertes de la côte. Comme dans les romans et films du genre, Barbe-Noire déposait un coffre dans une barque, avec l'aide de deux matelots, puis regagnait seul son navire : « Ils montent la garde ! » affirmait-il. Nous savons ce que cela signifiait. Il disait encore : « Seuls le diable et moi savons l'emplacement de mon trésor. Et le diable aura le tout ! » Il semble que le diable, en effet, eut tout, car Edward Teach ne profita guère de ses richesses. Son escapade ne dura qu'une année. L'homme, à sa mort, n'avait pas 40 ans.Les découvreurs d'épaves se sont naturellement mis à la recherche du Queen Ann's Revenge , espérant y découvrir si ce n'est un trésor, du moins des indices. L'un d'entre eux, un certain Phils Masters, a trouvé dans une bibliothèque, les mémoires d'un des compagnons de Barbe-Noire, capturé en octobre 1718, qui indiquait que le navire avait fait naufrage dans la baie de Beaufort. L'Etat de Caroline du Nord participa aux fouilles et remonta 3 ancres d'une forme particulière et 18 canons de facture différente, qui pourraient provenir de plusieurs navires pillés. Le Queen Ann's Revenge était armé de 40 pièces et il était le seul de la région à en posséder. Quant au trésor, c'est bien le diable si on le découvre un jour !
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